LIBERER DIEU D’UN MODELE CULTUREL EPHEMERE
par Judith Dufour et Réjeanne Martin
Au mois de septembre, à Châteauguay, parmi les pommes, baignées de lumière, entourées d’eau et d’espace, regroupées en coude à coude, les femmes du collectif L’autre Parole se sont réunies pour une fin de semaine.
Nous devions nous dire notre Bonne Nouvelle. Une bonne nouvelle dont nous avons retracé la source et l’impulsion dans des épisodes évangéliques comme celui de la femme courbée (Lc 13,10-17) ou encore celui de la Cananéenne (Mt 15,21-28). Episodes lus et scrutés avec les yeux, le corps et le coeur des femmes que nous sommes, bien enracinées dans notre temps, endossant comme fondamentale dans nos vies, l’interpellation à la fois féministe et chrétienne.
Partager sa bonne nouvelle c’est d’abord nommer une façon d’être, ensuite c’est accepter de l’assumer, en être heureuse et enfin, c’est avoir envie de la chanter! Or, assumer notre identité de femmes, y puiser des forces et des plaisirs, en être sûres et contentes, c’est aussi savoir, au dell de nos destins individuels, identifier nos difficultés collectives dans une société patriarcale où le rapport homme femme n’est pas égalitaire. Une société conçue, bâtie et gouvernée par les hommes dont nous sommes en même temps les filles, les soeurs ou les mères. C’est aussi admettre, les yeux grands ouverts, que l’idéologie chrétienne, par une Eglise qui se manifeste au moyen d’institutions hiérarchiques où les femmes n’existent pas et ne se reconnaissent pas, a joué un rôle lourd dans la fabrication et la transmission du patriarcat, de ses valeurs et de ses statuts et rôles en découlant. C’est ainsi que les femmes, dans un lieu précis de leur être, celui de leur quête religieuse, celui de leur relation avec Dieu, se sentent malle à l’aise. Impuissantes, elles sont devenues les jouets de forces qui leur échappent, elles sont devenues donc des êtres humains amputés à qui l’on ne permet pas d’atteindre le plein épanouissement de leur humanité.
Ce sont ces mêmes institutions qui se sont historiquement approprié Dieu. Il n’est donc pas surprenant que les femmes, historiquement, aient eu peur de s’opposer à l’Eglise, puisque ce faisant elles s•opposaient à Dieu. Pourtant elles savent bien que Dieu les veut debouttes et libres. Il leur a d’ailleurs fait savoir, en un temps et un lieu, par le Christ.
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Pour les femmes que noussommes la Bonne Nouvelle est doncde prendre la parole pour marquernotre appartenance à l’Eglisepeuple-de-Dieu-en-marche et-deboutdebouttes. C’est nous rassurerd’abord et nous redire que Dieuest toujours présent en nous. qu’Ilnous interpelle et nous appelle auplein épanouissement de notre humanité. C’est répondre à l’impulsionévangélique du récit de la femmecourbée.
Enfin, chanter notre Bonne Nouvelle, c’est assumer que cette partie-importante-du-peuple-deDieu-en-marche que nous sommes, soit un levain, une interpellation d’allégresse vers l’avènement de la justice et de l’amour. C’est montrer que la Cananéenne se prolonge en nous toutes. C’est s’impliquer dans les tâches de libération du peuple de Dieu en commençant par notre propre libération.
Travailler à la libération du peuple de Dieu, c’est constamment vivre la révélation, traduire fidèlement le message du Christ dans notre espace temporel, et inlassablement courir les risques inhérents à toute opposition au fixisme, à toute opposition à ceux qui cherchent à emprisonner l’image de Dieu dans un modèle culturel éphémère. N’estil pas dit, ou presque ••• l’homme et la terre passeront mais Dieu et les êtres créés à son image et à sa ressemblance ne passeront pas !