Madame Vivian Labrie
Récipiendaire du Prix Idola St-Jean 2001
Marie-France Dozois
En avril dernier, j’avais proposé à la Collective L’autre Parole ainsi qu’au comité Simonne-Monet-Chartrand de présenter la candidature de Vivian Labrie au prix Idola St-Jean, décerné chaque année par la Fédération des Femmes du Québec. Ma proposition, acceptée avec enthousiasme et appuyée par quatre autres groupes, a été retenue par le comité de sélection et c’est moi qui ai été chargée de vous présenter la nouvelle récipiendaire.
Je ne vous cacherai pas qu’il a fallu une femme exceptionnelle comme Vivian pour me stimuler à prendre la parole devant vous ce soir avec beaucoup d’émotion.
D’abord chercheure de formation dans le domaine de l’ethnographie et de la psychologie sociale, Vivian a obtenu un doctorat en lettres et sciences humaines à l’Université René Descartes à Paris en 1979. Ses travaux sur la tradition du conte, la transmission du savoir populaire, la culture écrite et bureaucratique l’ont rendue très sensible à la créativité populaire. Depuis 1988, elle travaille au Carrefour de la pastorale en monde ouvrier à Québec. Au début des années 1990, elle s’est impliquée dans une stratégie de développement économique communautaire dans les quartiers centraux de Québec. De 1995 à 1996, elle a fait partie du Comité externe de réforme de la sécurité du revenu et a co-signé, avec Camil Bouchard et Alain Noël, un rapport remarqué ayant pour titre Chacun sa part. Depuis, elle s’est engagée dans des actions de citoyenneté active comme : la clause d’appauvrissement zéro, le jeûne à relais du refus de la misère, la Nuit des taons qui piquent, le Parlement de la rue, le Carrefour des savoirs sur les finances publiques, pour n’en nommer que quelques-unes..
Elle a ainsi contribué, d’une façon exceptionnelle, à faire avancer la cause des personnes les plus fragiles de notre société, dont la majorité sont des femmes, et cela d’une façon nouvelle, créatrice et originale par le moyen, entre autres, d’un projet de loi-cadre pour l’élimination de la pauvreté. Dans un monde où tout semble figé dans le béton et où rien ne paraît arrêter les forces du Marché, ce projet de loi a redonné espoir à beaucoup de femmes. Convaincue que les personnes sans voix sont nos Maîtres et qu’il faut leur donner la parole, Vivian a su aller chercher les forces vives des gens et les convaincre que le fatalisme est inacceptable. «Faites-le et ça se fera», rappelle-t-elle sans relâche.
Pour donner corps à son projet de loi, en plus d’obtenir l’appui de plusieurs municipalités et Régies régionales, elle a réussi à convaincre 23 organismes à former le Collectif de ce projet. Une vaste consultation populaire, sans précédent au Québec, s’est alors mise en branle et a permis à des milliers de personnes de s’approprier la loi-cadre et d’en faire leur projet. Reconnaissons-le, Vivian est une force de la nature : son leadership extraordinaire est communicatif. Son sourire, sa foi tenace et son amour inconditionnel pour les plus appauvris lui ont permis de recueillir plus de 215,000 signatures et l’appui de près de 1500 organismes. Finalement, elle a persuadé trois députés, de partis différents, de déposer à l’Assemblée nationale d’une façon non partisane le projet de loi-cadre pour l’élimination de la pauvreté Est-il nécessaire d’ajouter qu’elle a réussi à intégrer le projet de loi à l’une des revendications majeures de la Marche mondiale des femmes et qu’elle continue de montrer comment le projet en cause peut changer certains choix budgétaires? «Un budget vers un Québec sans pauvreté», son dernier outil, a fourni des arguments à beaucoup de personnes pour faire en sorte que la lutte contre la pauvreté devienne, de plus en plus, un enjeu politique incontournable.
Tout cela semble déranger grandement notre gouvernement. Il a dû faire la promesse qu’il s’occuperait de la pauvreté, mais jusqu’ici, ce ne sont que des miettes que ramassent les personnes les plus appauvries de notre société.
La lutte est donc loin d’être terminée. Mais nous savons que beaucoup de femmes qui nous ont précédées, comme Idola Saint-Jean, par exemple, ont travaillé pendant des années avant de voir le fruit de leur combat. Il ne fait aucun doute dans nos esprits que Vivian Labrie est de cette trempe et qu’elle nous stimule à continuer nos efforts un peu fous pour changer le cours des choses et que sa détermination n’a pas fini de nous étonner.