Face aux violences sexuelles et aux abus spirituels commis dans l’Église catholique, dont l’ampleur ne cesse de se manifester encore aujourd’hui, la collective féministe et chrétienne L’autre Parole a choisi de tenir son colloque annuel d’août 2019 sur cette dure réalité.
Après avoir constaté l’ampleur des dégâts à travers diverses présentations, théâtre, conférences, dialogues, célébration liturgique, nous sommes restées avec la question : que faire en présence de cette misère ?
Comment faire pour que ce système d’exploitation sexuelle et de violence institutionnalisée cesse de se reproduire ?
Il apparaît que nous sommes appelées à une refondation de l’Église pour parvenir à une véritable déconstruction du cléricalisme et du système patriarcal.
Afin de contribuer le plus rapidement possible à cette nouvelle vision des choses, nous lançons dès maintenant ce Manifeste pour une refondation de l’Église.
Comme beaucoup d’autres chrétiennes et chrétiens, les femmes de L’autre Parole ont été et demeurent profondément scandalisées, troublées et blessées dans leur chair et dans leur âme par toutes les récentes révélations concernant les violences sexuelles et les abus spirituels dans l’Église.
Après avoir constaté les faits — qui s’avèrent bien documentés — notre réflexion sur cette douloureuse réalité nous amène à constater que nous sommes toutes et tous appelé∙e∙s, en tant que personnes porteuses du message évangélique, à une refondation de l’Église si nous voulons que la bonne nouvelle apportée par Jésus redevienne ce qu’elle est appelée à être : un chemin de libération pour toutes les femmes et pour tous les hommes : « On lui donna le livre du prophète Esaïe, et en le déroulant, il trouva le passage où il était écrit : ‘L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a conféré l’onction pour apporter la bonne nouvelle aux pauvres. Il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté […]’ », Lc 4,17-18.
Considérant que l’Évangile, le Christ, l’Esprit, l’Église, Dieu·e sont en relation avec toutes les personnes baptisées, il appartient à toutes et à tous, pas seulement au pape, aux évêques et aux prêtres, de dire et de proclamer haut et fort quelle Église nous voulons être et devenir pour correspondre au message d’amour et de libération apporté par Jésus le Christ.
Nous sommes l’Église et nous voulons une Église :
- Où des personnes seront choisies par leur communauté locale pour exercer différentes fonctions en vertu de leurs aptitudes et non de leur identité de genre, ou de leur orientation sexuelle, pour une durée déterminée et non à perpétuité.
- Où toute hiérarchie disparaîtra au profit de l’égalité, de la sororité et de la fraternité; où il n’y aura plus de révérende mère, ni de révérend père ou de monseigneur : nous avons eu nos parents et nous avons Dieu·e; où toutes les personnes membres des diverses communautés seront des sœurs et des frères, les unes et les uns pour les autres.
- Où les responsables des diverses communautés— femmes et hommes — seront des guides spirituel·le·s en raison de leurs capacités à témoigner de l’Évangile plutôt que des personnes investies d’un pouvoir qui les place au-dessus du groupe dont trop se servent pour aliéner les autres.
- Où, pour baliser nos chemins, l’Évangile et les nombreuses chartes nationales et internationales protégeant les droits humains primeront pour faire place au droit de chaque être humain à vivre librement dans la dignité, l’égalité, l’intégrité, la sororité et la fraternité.
- Où le célibat et l’abstinence sexuelle cesseront d’être obligatoires pour accéder à des fonctions de responsabilité communautaire, mais redeviendront des voies librement choisies par les personnes qui le désirent.
- Où la nouvelle théologie des vœux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance, à l’intérieur des communautés religieuses ou à l’extérieur de celles-ci, sera véritablement mise en pratique afin d’éviter qu’ils soient — particulièrement l’obéissance — des voies de servilité et d’anéantissement de soi.
- Où les fidèles seront des disciples égales et égaux formé·e·s dans l’exercice continu du discernement, de l’estime et de la confiance en soi.
Jésus lui dit : « Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montagne ni à Jérusalem [et nous ajoutons : ni au Vatican] que vous adorerez le Père » (Jn 4,21). L’heure n’est plus aux violences systémiques, sexuelles et spirituelles, ni à l’oppression ni à la domination des femmes par les hommes.
La collective L’autre Parole
Mai 2020