MARIE-ÈVE FACE AUX CONTRADICTIONS
Rita Hazel – Marie-Eve
Afin de répondre à l’appel lancé par L’autre Parole, le groupe Marie-Eve a décidé de réfléchir en équipe pour cerner nos contradictions et la façon dont nous les assumons.
De notre échange très animé, il ressort que la contradiction fondamentale réside dans notre véritable attachement à l’Église de Jésus-Christ (qui comprend forcément l’Eglise-institution et l’Eglise-peuple-de-Dieu – la distinction entre les deux ne devrait même pas exister), dans notre décision de rester et d’oeuvrer à l’intérieur de cette Église tout en étant souvent déçues, voire exaspérées, entre autres:
-par des attitudes, des comportements et des décrets sexistes où nous ne pouvons nous empêcher de déceler un mépris plus ou moins inconscient,où nous nous sentons niées comme personnes humaines d’égale dignité
-par des directives de membres du clergé convaincus de posséder la vérité, dont certains parlent dans un langage éthéré à des personnes aux prises dans la pâte du quotidien comme ce curé qui déconseille fortement à une paroissienne de consulter un spécialiste, même si son mari a failli l’étrangler à plusieurs reprises, car « tous les problèmes peuvent se résoudre par la prière »…
-par le ton, la façon de célébrer l’Eucharistie, le contenu des homélies, dans un grand nombre de paroisses « II faut avoir la foi pour aller à la messe dans cette église-là! » mais on continue… N’est-il pas absurde de devoir faire le tour de la ville pour trouver un endroit où l’on pourra prier vraiment sans devoir étouffer en même temps des réactions de colère ou de tristesse?
Une autre contradiction vient de cette conviction, si fortement ancrée en nous que nous n’arrivons jamais complètement à nous en libérer: c’est à « eux » que les clefs du Royaume ont été remises, ce sont « eux » qui ont le pouvoir de « lier et de délier », de remettre les péchés, donc de décider des normes. D’autre part, du fond de nos entrailles monte lentement cette certitude que, comme filles de Dieu, nous avons le droit de nous définir nous-mêmes, que nos expériences de femmes prévalent sur les diktats extérieurs et officiels, que certains choix qu’on dit défendus sont parfois légitimes: la contraception « naturelle » (!) ou pas, l’avortement même, dans des circonstances où la mère s’y sent absolument acculée…
Insidieusement, une autre contradiction vient d’une petite tendance tenace que nous ne nous avouons pas toujours: notre besoin d’être maternelles, de nous sentir responsables de la paix et du bien-être de ceux qui nous entourent, qui nous porte à éviter de faire mal, à choisir de se taire (« je suis encore capable d’en « prendre », – si je parle, je peux devenir méchante ») contradiction entre le désir « d’être bonne » et celui de se fâcher.
Et alors?
Nous croyons que la seule manière de vivre ses contradictions, c’est de s’engager… A force de pousser sur les barreaux, on arrivera à agrandir le passage…
Nous investissons tranquillement la place, nous nous affirmons sans trop heurter, pour ne pas tout compromettre, nous défendons poliment nos convictions et nous ne cédons aucun pouce gagné… Nous favorisons la compréhension mutuelle, le respect mutuel. Nous nous tenons debout…
« C’est à l’intérieur de l’Église que les femmes seront facteur de transformations majeures de ses structures internes et qu’elles influenceront ainsi le milieu culturel où elles vivent » (Janine Beaudin, Prêtre & Pasteur, avril 1985).