NOS SOLIDARITÉS AU PLAN SOCIAL
Yvette Laprise, Phoebé
Quel rapport la collective L’autre Parole entretient-elle avec les causes sociales ? S’y implique-t-elle et comment? Hier est-il différent d’aujourd’hui ?
Au premier abord, d’aucunes pourraient penser que la collective en est loin. Son implantation en milieu théologique, milieu intellectuel alors dominé par les hommes, n’annonçait rien de prometteur. Pourtant les pionnières ont toujours cru que les valeurs évangéliques se mariaient bien avec les valeurs sociales de sorte qu’on pouvait définir la collective: groupes de chrétiennes engagées socialement.
Pour elles, travailler à débusquer les normes de comportement qui maintiennent l’infériorité des femmes, lutter pour la transformation d’un système ecclésial patriarcal et se donner un lieu pour que la parole des femmes puisse s’exprimer dans le champ du sacré est une question éminemment sociale – le champ du religieux imprégnant de ses valeurs la société dont elle est partie intégrante. En misant sur le christianisme, le féminisme et le collectif, la collective L’autre Parole, avec ses groupes de réflexion et d’action et ses membres individuelles, ne s’enferme pas dans un champ d’action mais s’ouvre à toutes les conditions de vie des femmes.
Dès son premier colloque, parmi les ateliers proposés à la réflexion, on voit figurer en bonne place la question sociale et le socio-économique (L’autre Parole – 1978 – no 6). Au cours de son histoire, la collective a consacré, spécifiquement aux questions sociales, deux de ses colloques . Le premier, en 1990, qui a pour titre L’engagement social, propose l’exploration de questions comme : « Comment nous situons-nous face aux problèmes multiples que vivent les femmes dans leurs milieux? Quels liens faisons-nous entre la vie chrétienne et l’engagement social ? Quelle orientation la collective propose-t-elle dans ce domaine ? » ( L’autre Parole – no 48), Le deuxième, en 1992, s’intitule Solidarité quand tu nous tiens…(L’autre Parole – no 55) Il avait pour objet de prendre conscience des pratiques solidaires des femmes dans différentes régions du Québec, de discerner les valeurs et les stratégies d’action impliquées dans ces pratiques et par la suite voir comment les appuyer.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, nous avons demandé aux différents groupes de la collective d’identifier les engagements sociaux de leurs membres dans leur milieu de vie.
L’engagement social de la collective se fait d’abord en solidarité avec les luttes du mouvement des femmes pour une plus grande justice sociale
En voici quelques exemples :
Lors de la marche mondiale des femmes de l’an 2000, L’autre Parole déployait sa propre banderole pour rallier ses membres derrière celle de la FFQ. De concert avec les membres de l’Intergroupe, elles ont distribué, tout au long du parcours, des feuillets manifestant leur solidarité dans la lutte contre la pauvreté et la violence faite aux femmes. De plus, la collective et ses membres ont été de toutes les marches : marche de quartiers, marche dans les différentes villes du Québec, marches de rassemblement à Montréal, à Québec, à Ottawa, et marche finale à New York.
Lors de la rencontre à Québec des chefs d’État de la zone de libre échange des Amériques (ZLEA), c’est derrière la bannière de la FFQ, que les femmes de la collective ont fait valoir, en solidarité avec la population civile, leurs préoccupations en faveur d’une véritable mondialisation humaniste.
Lors des célébrations marquant les 50 ans du droit de vote des femmes au Québec, on trouve encore L’autre Parole inscrite au programme de « Femmes en tête » – ainsi qu’aux « Cinquante heures du féminisme » où elle présente, en collaboration avec le Réseau œcuménique des femmes du Québec (ROF), une célébration sous le titre « De la pomme à nous », suivie d’un panel invitant les femmes à prendre la parole et à exprimer leurs contributions aux luttes des femmes (L’autre Parole – nos 45 et 46).
En 1992, une membre de L’autre Parole est présente au comité organisateur du forum national « Un Québec Féminin pluriel » et la collective y anime un atelier.
L’autre Parole se solidarise aussi avec les forces vives des femmes des Églises chrétiennes
Solidarité avec le Réseau œcuménique des femmes du Québec (ROF ) pour l’organisation du grand rassemblement des féministes de toutes les Églises chrétiennes. Le thème : «Oser la liberté» a réuni, durant trois jours, 250 participantes conscientisées et dynamiques.
Solidarité avec l’Entraide missionnaire par la participation à ses congrès annuels et la présence de l’une de ses membres à son conseil d’administration. Cet organisme, un des lieux bien vivants de l’Église québécoise, fondé dans les années 50, poursuit avec assiduité et enthousiasme le développement de la justice sociale dans une perspective de solidarité internationale.
Solidarités locales, nationales et internationales des membres
L’engagement des membres peut se concrétiser à l’intérieur de la collective, dans l’exercice d’un métier, dans son état de vie, dans le bénévolat sous toutes ses formes. Qu’il s’agisse de l’engagement social, de la solidarité sociale ou de la pastorale sociale, l’intention est la même : apporter, comme féministe, sa contribution au mieux être de l’humanité.
À l’intérieur de la collective, certaines s’engagent dans l’organisation de soirées publiques ou de journées de réflexions portant sur des thèmes controversés comme l’ordination des femmes, l’avortement ; de célébrations publiques :Pâques, Noël, 8 mars, etc.
D’autres assument la responsabilité de la revue de sa conception à l’envoi final :comité de rédaction, correction des textes, mise en pages, envoi chez l’imprimeur, gestion des abonnements, expéditions de 350/400 exemplaires à tous les trimestres.
À l’extérieur de la collective :
Certaines se font les porte-parole de la collective dans les interventions publiques : conférence de presse, présence dans les médias, collaboration à des publications diverses.
D’autres se livrent à des activités artistiques qui prônent des valeurs de paix et de justice.
Dans le milieu social en général :
Des jeunes mères voient dans le soin et l’éducation de leurs enfants un engagement primordial et y consacrent leurs forces vives.
D’autres perçoivent l’engagement social à travers leur profession : « J’ai toujours considéré ma carrière d’enseignante comme un engagement social en insistant sur les liens entre la théorie et la pratique … Ma réflexion comme éthicienne féministe était ma manière plus spécifique de le faire. »
Quelques-unes, parvenues à leur retraite, se retrouvent avec des agendas chargés : aide aux devoirs auprès d’enfants du primaire, accompagnement de jeunes en difficulté, visites et accompagnement de malades en phase terminale, visite régulière à des personnes âgées seules ou en résidence, jumelage jeunes et personnes âgées, accueil et soins donnés à de jeunes enfants délaissés ou maltraités, marrainage de familles d’immigrants etc.
Plusieurs participent à différents regroupements : Groupe communautaire, Comité d’aide pour retour à l’emploi et insertion sociale, Comité d’éthique, Union des artistes à la défense des droits des femmes ; associations de la santé mentale du Bas-St-Laurent, association Élizabeth Fry de Montréal, groupe de recherches Éthos (éditions). D’autres, impliquées en terrain paroissial ou diocésain comme marguillères, membres de chorale, initiation sacramentelle…pour y apporter leur vision féministe.
Certaines prennent le chemin de la compassion et de la tendresse pour accompagner des jeunes en détresse en marche vers leur croissance humaine et spirituelle.
D’autres, plus sensible aux points chauds de la planète, d’ici ou d’ailleurs, apportent leur présence et leur appui pour contrer les injustices faites aux plus vulnérables de la société : participations à des actions locales de résistance, pressions politiques, manifestations, vigiles, pétitions, etc.
Les membres sont également présentes dans les groupes de femmes :
À la FFQ, au Conseil régional de Montréal Simone Monet Chartrand, à la Table régionale des groupes de femmes à Sherbrooke, centres et maisons des femmes dans différentes régions, défense des droits des femmes signalées par amnistie internationale.
On les trouve aussi dans l’action et le soutien au Front commun des assistées sociales, au Collectif pour un Québec sans pauvreté, au Forum de solidarité sociale, à la réparation et à l’envoi de livres à des pays francophones pour aider au développement culturel, etc.
Tous ces engagements et d’autres ont amené la collective sur un chemin dont elle ignore où cela la conduira. Dans l’article suivant intitulé : Mon expérience à la grappe, collective féministe et inter-spirituelle, Denise Couture, nous fera cheminer à travers ce qui a été une étape marquante dans les engagements sociaux des groupes et de la collective L’autre Parole.
La mosaïque que nous venons de vous présenter, montre que la collective est soucieuse de l’engagement social de ses membres. Son éthique repose sur des valeurs égalitaires et humanistes et sa praxis entraîne sur la voie de la libération. Mettre en cause un système patriarcal qui paraît être un fondement universel et instaurer un rapport renouvelé entre les femmes et les hommes, nous apparaît une réalité qui doit continuer d’interpeller les battantes, les gagnantes réelles ou illusoires du système politique et social qui est le nôtre.
Conscientes d’apporter chacune notre petite pierre à la mosaïque commune et confiantes en l’avenir
«Chantons notre histoire et nos avancées Ensemble on peut croire qu’on peut continuer » (Diadem)
( Je remercie toutes les membres qui ont contribué d’une façon ou d’une autre au contenu et à la présentation de cet article.)