ORDINATION DE FEMMES SUR DES FLEUVES

ORDINATION DE FEMMES SUR DES FLEUVES

Monique Dumais, Houlda

Des femmes ont choisi de se faire ordonner sur les eaux internationales des fleuves pour affirmer leur autonomie et s’affranchir de toute autorité particulière. Et aussi «pour bien symboliser la précarité de leur situation de femme en Église», écrit Raymond Légaré.1

Tout commence le 29 juin 2002 alors que sept femmes catholiques (quatre Allemandes, deux Autrichiennes et une Américaine)  sont ordonnées prêtres sur le Danube dans l’Église catholique schismatique apostolique charismatique Jésus Rey 2. De là est issu un mouvement le RCWP (Roman catholic Womenpriests Program) qui a pour but de favoriser la pleine accession des femmes à la prêtrise, c’est-à-dire en conformité avec les exigences du rituel romain. Quinze jours seulement après les ordinations, la Congrégation pour la doctrine de la foi a déclaré invalides et nulles les ordinations du Danube et excommunié les sept femmes qui y ont participé de même que les deux évêques qui les ont présidées.

Ce qui n’a pas empêché d’autres ordinations:  août 2003, en Espagne, celle de soeur Patricia Fresen (Afrique du Sud), dominicaine, qui sera par la suite expulsée de son ordre sous la pression du Vatican.  Le 2 juin 2004, à nouveau sur le Danube, six femmes sont devenues diacres, dont une Française, Geneviève Beney, qui accèdera à la prêtrise le 2 juillet 2005 à Lyon, et une Canadienne, Michele Birch-Conery, qui sera parmi les neuf femmes ordonnées sur le Saint-Laurent le 25 juillet 2005. En effet, en cette date, neuf femmes nord-américaines ont reçu l’ordination sacerdotale ou le diaconat lors d’une cérémonie présidée par Christine Mayr-Lumetzberger (Autriche) et Gisela Forster (Allemagne) devenues évêques au printemps 2003.

Les ordinations se poursuivent en 2006. Quatre femmes catholiques sont ordonnées prêtres ou diacres en vue de la prêtrise sur le lac de Constance en Suisse, le 24 juin.  Douze ordinations: huit à la prêtrise, quatre au diaconat, ont eu lieu le 31 juillet aux États-Unis, au point de rencontre des rivières Allegheny, Monongahela et Ohio, en Pennsylvanie. Annie Crépin et Claude Bernard, coprésidents de Femmes et Hommes dans l’Église ont rédigé un message à ces femmes avant leur ordination 3.

Tout compte fait, ces femmes prêtres, de nationalités diverses, doivent être plus d’une vingtaine maintenant et plus d’une centaine seraient en formation.  Elles comptent quatre  femmes évêques, travaillent en «diocèse virtuel» (www.virtuelle-dioezese.de) – en langue allemande4.

Le mouvement qui est international, se situe dans la ligne œcuménique  de WOW (Women Ordination Worldwide). La Conférence œcuménique  mondiale pour l’ordination des femmes dans l’Église catholique romaine qui s’est tenue à Dublin, en juin 2001 a été une première historique.  370 personnes, femmes et hommes, venant de 36 pays et des cinq continents, ont participé pour «célébrer l’appel de femmes à une prêtrise renouvelée». La présence de Joan Chittister, religieuse bénédictine de Pensylvanie, a été particulièrement remarquée. Elle a bravé l’interdiction de Rome qui voulait l’empêcher de prononcer l’un des grands exposés.  Sa supérieure l’a appuyée dans sa démarche, ainsi que 135 de ses soeurs qui avaient signé une pétition. «La tradition bénédictine n’est pas d’obéissance soumise mais fonde l’obéissance adulte sur le charisme monastique du discernement et de la responsabilité personnelle.» Une autre religieuse Myra Poole, sœur  de Notre-Dame, qui assurait depuis deux ans à Londres la coordination de WOW, interdite elle aussi de conférence et menacée d’expulsion de son ordre, a renoncé à la participation prévue, mais est venue dire sa solidarité à la conférence et fut ovationnée autant que Joan Chittister! De plus, Anna Gnanadason, théologienne indienne en responsabilité importante au Conseil Œcuménique  des Églises, a dû renoncer, elle aussi, à faire l’exposé d’entrée après que le Vatican ait menacé de démissionner des commissions de travail où il était présent.

Les ordinations des femmes catholiques au diaconat et à la prêtrise sont des actions audacieuses qui veulent confirmer la justice et l’égalité qui doivent exister entre les femmes et les hommes dans l’Église catholique romaine. Ce sont des événements qui ont une façade provocatrice dans une Église qui a déclaré avoir fermé la porte de façon définitive à l’accession des femmes à l’ordination.  Pourtant, la foi et l’espérance des femmes, en même temps que leur amour de l’Église ne s’éteignent pas et vivent de la force de la résurrection. Est proclamée l’affirmation d’une obéissance prophétique «pour la justice en face de l’injustice et de la discrimination. »5

«En ordonnant des femmes, nous ré-imaginons, re-structurons, re-formons la prêtrise et donc, dans une certaine mesure du moins, l’Église 6», affirme Patricia Fresen. Voilà une perspective importante qu’il ne faut jamais perdre de vue.   Différentes pratiques d’égalité et non de supériorité sont établies par les nouvelles ordonnées. Par exemple un modèle inclusif de célébration de l’eucharistie, pas de titres spéciaux, une activité professionnelle qui assure leur indépendance financière.

Comment ces ordinations permettent-elles de changer l’Église, de lui donner une nouvelle vitalité, de la faire sortir de ses moules patriarcaux? À ce sujet, une chose m’a particulièrement étonnée, c’est que les femmes ordonnées ont suivi de façon rigoureuse le rituel catholique. J’ai appris par la suite qu’«une seule règle les guide: ne pas déroger au rituel et procédures établis pour les circonstances par le Vatican »7, afin d’assurer leur légitimité.  Du côté de L’autre Parole, nous aurions sûrement préféré plus de créativité et un détachement d’un rituel très patriarcal.

Un document très pertinent à scruter:

Femmes et Hommes dans l’Église
Message aux femmes qui seront ordonnées prêtres ou diacres
Ces 24 juin et 31 juillet 2006, en Suisse et aux USA

Avec vous et les communautés qui vous accompagnent, notre association  Femmes et Hommes en Église appelle l’institution catholique romaine à remettre en question sa conception et sa pratique des ministères.

 Pour se rendre  fidèle au message fondateur du christianisme, il est temps qu’elle se décide à rompre avec des principes et coutumes inspirés par un androcentrisme et une misogynie que nos sociétés rejettent désormais.

 Qu’elle sache reconnaître enfin la pleine responsabilité et la capacité baptismale des femmes chrétiennes, leur ardeur à la mission et leur irremplaçable valeur.

En estimant que votre choix de répondre à l’appel à l’ordination est un des passages possibles vers le renouveau de l’Église, nous saluons votre courage et votre foi. Nous partageons votre espérance. Nous nous réjouissons de rejoindre ainsi la communauté du peuple de Dieu qui fait confiance et nous  appelons  sur vous et votre groupe toutes les grâces nécessaires.

Annie Crépin et Claude Bernard

Coprésidents de Femmes et Hommes dans l’Église (France)

1. cf. le site internet de Culture et foi, Raymond Légaré, «Des  femmes ordonnées prêtres ou diacres au Québec en juilllet 2005».

2. Les Réseaux du Parvis, no 15, 2002

3. À la suite dans la revue

4. Informations données par le communiqué de Femmes et Hommes en Église – Genre en christianisme, le 22 juin 2006.

5. Patricia Fresen, «Pourquoi ordonner?», Les réseaux des parvis, no 15, op. cit., p. 25.

6. Patricia Fresen, op. cit., p. 25.

7. Raymond Légaré, op. cit