Ouverture de la 2e session du Synode sur la synodalité

Lettre synodale no 2
Ouverture de la 2e session du Synode sur la synodalité
La grande question qui anime les travaux du Synode : comment être une Église synodale, c’est-à-dire une Église qui articule communion, participation et mission ? En 2023 les délégué.e.s ont été invité.e.s à se mettre à l’écoute de la pluralité des perspectives et de la diversité des points de vue dans l’Église ; en 2024, les délégué.e.s s’ont appelé.e.s à identifier des pistes de réflexion et d’action qui sont à même de générer de l’harmonie dans une Église diversifiée mais unie1. Le Pape insiste : « notre assemblée n’est pas une assemblée parlementaire mais un lieu d’écoute en communion ».
Cérémonie pénitentielle
Avant de commencer ses travaux, l’Assemblée synodale a été conviée la veille (2 octobre), à une cérémonie pénitentielle en la Basilique Saint-Pierre, présidée par le Pape François. Cette cérémonie a comporté des temps forts ; en plus des témoignages de personnes victimes de différentes formes de violence et d’abus, sept cardinaux ont présenté des demandes de pardon pour différentes fautes commises dans l’Église. Ces demandes de pardon, rédigées par le Pape François, traduisent sans doute la posture d’écoute et d’humilité que le pape cherche à induire chez les délégu.é.e.s. J’en ai retenu cinq.2
Le cardinal Cristóbal Lopez Romero a demandé pardon au nom de toute l’Église, pour l’inertie envers les pauvres « préférant nous parer et parer l’autel de préciosités coupables qui enlèvent le pain aux affamés (…) Je demande pardon, en ayant honte pour l’inertie qui nous empêche d’accepter l’appel à être une Église pauvre des pauvres et qui nous fait céder à la séduction du pouvoir et à la flatterie des premières places et des titres vaniteux ».
Le cardinal Kevin Joseph Farrell, préfet du dicastère pour les Laïcs, la famille et la vie, a demandé pardon pour toutes ces fois où la dignité des femmes ne fut pas reconnue ni défendue, « où nous les avons rendues muettes et soumises, et bien souvent exploitées, en particulier dans la condition de la vie consacrée ».
Le cardinal Christoph Schönborn a demandé pardon et exprimé sa honte pour les fois où « nous avons transformé l’autorité en pouvoir, en étouffant la pluralité, en n’écoutant pas les personnes, en rendant difficile la participation de tant de frères et soeurs à la mission de l’Église, en oubliant que nous sommes tous appelés dans l’histoire, par la foi dans le Christ, à devenir des pierres vivantes de l’unique temple de l’Esprit Saint. »
Le cardinal Seán Patrick O’Malley a demandé pardon pour toutes les fois « où, nous, fidèles », avons été complices ou avons directement commis des abus de conscience, des abus de pouvoir et des abus sexuels. Il éprouve « de la honte et de la tristesse en pensant en particulier aux abus sexuels commis sur des mineurs et des personnes vulnérables, qui ont volé l’innocence et profané le caractère sacré des personnes faibles et sans défense ».
Le cardinal Víctor Manuel Fernández, préfet du dicastère pour la Doctrine de la Foi, a exprimé sa honte pour toutes les fois où dans l’Église les pasteurs n’ont pas su sauvegarder et proposer l’Évangile comme une source vivante de nouveauté éternelle, en l’« endoctrinant » et en risquant de le réduire à un tas de pierres mortes à jeter sur les autres. « Je demande pardon, j’ai honte pour toutes les fois où nous avons donné une justification doctrinale à des traitements inhumains ».
Ces demandes de pardon évoquent, il me semble, une certaine prise de conscience des « péchés » qui gangrènent l’Église et, peut-être même, un désir de la transformer. Les termes utilisés sont forts : il est question d’une Église qui, par sa vanité et son amour de la richesse, enlève le pain de la bouche des pauvres ; d’une Église qui soumet les femmes et même exploite les religieuses ; d’une Église qui étouffe la participation des laïcs ; d’une Église qui commet des abus de pouvoir et des abus sexuels, profanant ainsi le caractère sacré des personnes les plus fragiles ; d’une Église « endoctrinante » qui se sert de la doctrine pour infliger des traitements inhumains. Cette Église, s’est faite confessante mardi dernier, a demandé pardon et a dit sa honte pour toutes les fautes commises. Cette confession devrait-elle servir de grille pour évaluer les résultats du Synode ?
Séance d’ouverture
Dès la séance d’ouverture mercredi après-midi (3 octobre), le Pape François a expliqué que le processus synodal est « un processus d’apprentissage au cours duquel l’Église apprend à mieux se connaitre elle-même et à identifier les formes d’action pastorale les plus adaptées à la mission que le Seigneur lui confie ».3 C’est pourquoi, soutient-il, la présence de laïcs, de personnes consacrées, de prêtres et de diacres au sein de cette assemblée d’évêques est cohérente. Il insiste : la composition de cette assemblée « exprime une manière d’exercer le ministère épiscopal conforme à la Tradition vivante de l’Église et à l’enseignement du Concile Vatican II : jamais l’évêque, comme tout autre chrétien, ne peut se penser “sans l’autre”. »
S’esquisse ici une volonté assez claire pour que l’exercice de l’autorité épiscopale soit plus relationnel, plus synodal et en harmonie avec les différents contextes ecclésiaux où il prend forme. L’organisation spatiale de la salle Paul VI où se déroulent les travaux témoigne, d’une certaine façon, de cette volonté, puisque les échanges se font autour de tables rondes. La composition de l’assemblée synodale traduit aussi, quoique modestement, cette volonté : 368 participantes et participants, soit 272 évêques et 96 non évêques. Ces derniers se répartissent comme suit : 53 femmes, dont 25 religieuses et 28 laïques ; 43 hommes, dont 30 prêtres ou religieux et 13 laïcs. Les femmes représentent donc 14.4 % des membres de l’assemblée synodale. C’est bien. Mais il y a certainement moyen de faire mieux !
Mais pourquoi cette insistance du pape sur la légitimité de la présence de personnes non-évêques ? C’est que cette présence, minoritaire faut-il le rappeler (26 %), indispose des cardinaux et des évêques conservateurs qui promeuvent une autre ecclésiologie et voient dans le projet du Pape François un démantèlement de l’autorité épiscopale. Par exemple, le cardinal Müller, opposant notoire au Pape François, mais néanmoins invité par ce dernier à participer au Synode, considère que cet événement n’est plus un synode, mais un simple symposium théologique et pastoral parce qu’il rassemble des non évêques. Pour le cardinal, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, les évêques ne sont pas que de simples représentants du Peuple de Dieu, ils agissent au nom de Dieu lui-même pour le peuple de Dieu4. La présence de laïcs dans cette noble assemblée viendrait, en quelque sorte, « troubler le genre épiscopal » capable de parler au nom de Dieu?5 Qui plus est, il y aurait au Synode des personnes susceptibles de mettre de l’avant le fameux Agenda 20306, agenda associé à une forme d’hérésie pour le cardinal. On conviendra donc qu’il existe de réelles tensions au sein de cette assemblée mais le Pape persiste à faire le pari du dialogue.
Toujours lors de la séance d’ouverture, de nombreux discours ont été prononcés, notamment pour faire rapport de l’état d’avancement des travaux des différents groupes de travail mis en place pour étudier des questions particulières, dont celle du diaconat féminin. Le cardinal Victor Manuel Fernández, préfet du dicastère pour la Doctrine de la Foi et responsable de ce dossier, a déclaré à propos du diaconat féminin : « Le moment n’est pas encore venu, (…) et il est bon que le sujet soit approfondi, dans un parcours ecclésial vécu ensemble ».7 En entendant ces propos, je n’ai pas pu m’empêcher de penser que ce cardinal, qui avait la veille demandé pardon pour les endoctrinements et pour les justifications doctrinales à des traitements inhumains, ne manifestait pas un « ferme propos » très convaincant et qu’il risquait fort un jour, de devoir demander pardon pour toutes ces doctrines sexistes et misogynes énoncées à l’endroit des femmes qui ont pour effet de les empêcher de vivre leur pleine humanité et de leur fermer la porte à l’exercice de différents ministères !
Lors de la séance du 4 octobre, invitation a été faite d’écouter celles et ceux qui se sentent exclu.e.s. et le 5 octobre de « se libérer de la peur de l’autre ». Nous verrons au cours des prochains jours si ces interpellations sont entendues et reçues.
Marie-Andrée Roy
Rome, 5 octobre 2024

1https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2024-10/debut-des-travaux-du-synode.html
2 Les demandes de pardon : https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2024-10/synode-celebration-penitentielle-rome-pape-cardinaux-foi-eglise.html
3 Principale source pour ce paragraphe : https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2024-10/pape-francois- :premiere-congregation-synode-synodalite.html
4 benoit-et-moi.fr/2020/2024/09/09/synode-en-vue-une-interview-du-cardinal-muller/
5 Ma mère aurait dit : « Pour qui il se prend celui-là ? On dirait qu’il se croit sorti tout droit de la cuisse de Jupiter ».
6 – L’Agenda 2030 : Plan d’action pour l’humanité qui comprend 17 objectifs de développement durable. Il s’agit d’un appel mondial à agir pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et faire en sorte que tous les êtres humains vivent dans la paix et la prospérité d’ici à 2030.
7 https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2024-10/debut-des-travaux-du-synode.html