POLYTECHNIQUE Un film, un souvenir, une blessure
Louise Melançon, Myriam
L’événement du 6 décembre 1989. Presque 20 ans plus tard.
Un film projeté sur nos écrans. Le projet de la comédienne Karine Vanasse, annoncé et entrepris, il y a trois ans, est rendu à terme, grâce au cinéaste Denis Villeneuve et au scénariste Jacques Davidts.
Comme bien d’autres, je me demande: est-ce que j’irai le voir? Le 7 décembre 1989 au matin, je donnais un cours sur l’espérance… Parmi les étudiants, une jeune femme pleure une des victimes, membre d’une famille amie. C’est un souvenir encore vivant en moi. J’ai attendu avant d’aller voir ce film. J’ai lu et écouté les commentaires. Et après un certain temps, j’y suis allée. J’aime le cinéma. Et on disait que c’était un film sobre, évocateur, une oeuvre de fiction en noir et blanc, brillamment réalisée.
Ce fut une expérience dure: le bruit assourdissant des coups de fusil dans mes oreilles, et puis les temps de silence oppressants, et puis les fuites affolées dans les corridors et les escaliers… Ce fut un choc, autrement qu’il y a 20 ans, mais non moins violent… Et pourtant, je dirais que c’est un film à voir. À la suite de Nathalie Petrowski, je dirais: « C’est… moins une aventure qu’une épreuve, mais c’est aussi un moment puissant de partage avec les victimes et leurs familles dont nous avons imaginé l’effroi et la douleur, sans jamais en faire la terrifiante expérience. Or, c’est précisément ce qu’accomplit le film de Denis Villeneuve en nous entraînant sur la scène du crime, au coeur du champ de bataille, dans la violence insensée qui fait rage entre un tueur fou et des jeunes femmes réduites à l’état de cible comme le sont toutes les victimes de guerre.»(La Presse, 28/01/09)
Trois personnages: Valérie (Karine Vanasse), une des étudiantes survivantes, Jean-François (Sébastien Huberdeau), étudiant qui porte toute la culpabilité de ceux qui ont été écartés, impuissants, et le tueur (Maxim Gaudette), au regard vide qui exprime la folie mystérieuse de cette horrible tuerie.
Trois points de vue sur un événement incompréhensible qui a blessé toutes les femmes du Québec, et atteint aussi les hommes.
Le film de Denis Villeneuve était à Cannes, à la Quinzaine des réalisateurs. Un film remarquable sur un événement inoubliable.