PORTRAIT DES FEMMES ARTISTES DANS LES MÉDIAS
Si on parlait chiffres !
Denyse Marleau*, Deborah
Depuis 1986, le Comité des femmes artistes de l’Union des artistes (UDA) tente de trouver des pistes de solutions pour améliorer les conditions et l’offre de travail pour les femmes artistes en cherchant à sensibiliser le milieu artistique et le public à leur situation. Grâce à l’aide de statistiques provenant d’une banque de données informatiques disponibles depuis l’an 2000, il est devenu possible de dresser un portrait de la situation actuelle des artistes de l’UDA.
Le présent exercice traite donc de la réalité des femmes membres de l’UDA en 2009 pour les secteurs des médias les plus lucratifs soit le cinéma, le doublage, la publicité, et la télévision. Curieusement, c’est justement dans ces secteurs que les femmes sont le moins présentes. Il est à noter que les chiffres ne portent pas sur les médias écrits ni sur la radio qui relèvent d’autres syndicats.
La situation actuelle
Les femmes artistes sont sous-représentées dans la plupart des secteurs. Parmi les membres ayant tiré un revenu artistique en 2009, 46,2 % sont des femmes. 53,8 % sont des hommes.
Comme c’est le cas pour la majorité des artistes de tous les milieux, le plus grand nombre des membres de l’UDA gagne un revenu inférieur à 25 000 $. En 2009, le revenu moyen des femmes est de 17 660 $ alors qu’il est de 22 787 $ pour les hommes. Le revenu des femmes équivaut ainsi à 77,5 % du revenu des hommes, ce qui représente une différence de 29,3 % en faveur des hommes. Les femmes ont moins de revenus, en grande partie parce qu’elles ont accès à moins de rôles.
L’analyse de secteurs
Cinéma/téléséries
Dans le secteur cinéma, 800 femmes ont travaillé comparativement à 1073 hommes. En constatant que les femmes touchent seulement 62,4 % du revenu moyen des hommes, nous devons nous rendre compte que les actrices sont nettement sous-employées dans les films québécois.
Ainsi au cinéma, la présence de femmes de plus de 55 ans est presque inexistante. Et pour les 37,2 % qui y travaillent, leur revenu moyen correspond à moins de la moitié de celui des hommes soit à 48,22 %.
Dans le secteur téléséries, ce sont 1 652 femmes et 2 058 hommes qui ont travaillé. Les femmes touchent 78,5 % du revenu moyen des hommes et elles sont beaucoup moins nombreuses à travailler. Après 55 ans, elles ne représentent plus que 39,42 % des artistes de ce groupe d’âge à travailler.
Par ailleurs, il est à souligner que si les femmes de 18 à 24 ans sont en nombre équivalent à travailler par rapport aux hommes, c’est la seule étape de leur vie où elles obtiennent un revenu moyen correspondant à 135,3 % de celui des hommes. Entre les âges de 35 et 44 ans, les hommes font un revenu moyen supérieur de l’ordre de 181,56 %. Et de 44 à 55 ans, ils font encore un revenu supérieur qui équivaut à 139,56 % de celui des femmes.
Doublage
Au doublage, le nombre de femmes ayant travaillé est de loin inférieur au nombre d’hommes puisqu’il y a 236 femmes pour 304 hommes. De plus, globalement, les femmes ne touchent qu’à 74,2 % du revenu des hommes. Puisque tous les artistes sont payés le même prix à la ligne dans un dialogue, nous pouvons en déduire qu’il y a inégalité dans le nombre de rôles et le nombre de lignes accordés aux hommes et aux femmes dans les productions étrangères. La prédominance des rôles masculins est également une réalité qui dépasse le Québec.
Il est déplorable de constater que si entre 35 et 44 ans, elles sont 51 femmes et 73 hommes à travailler au doublage, le revenu moyen des femmes est équivalent à 46,49 % du revenu des hommes.
Pour les 55 ans et plus, on retrouve 27 femmes pour 65 hommes. La sous-représentation des femmes correspond ici à 41,5 %. L’âgisme est encore une fois très présent.
Publicité
En publicité, les jeunes femmes de 18 à 24 ans reçoivent un revenu moyen légèrement supérieur (11,4 %) à leurs collègues masculins. Comment s’en étonner dans une société où la beauté et la jeunesse sont des passeports pour le succès et l’argent?
D’autre part, l’âgisme reste flagrant. Les femmes sont nettement sous-représentées. Chez les 45 ans et plus, on retrouve 334 femmes pour 506 hommes. Pour les 55 ans et plus, les hommes ont un revenu moyen supérieur aux femmes de l’ordre de 83,52 %. Pour ce même groupe d’âge, les femmes représentent 33,9 % de tous les artistes rémunérés. C’est une femme pour deux hommes qui y travaille. Il n’y a donc pas d’exagération à dire que le sexisme existe véritablement dans le domaine de la publicité québécoise.
Télévision : Radio-Canada
Pour ce qui est de la réalité à Radio-Canada, ce sont 674 femmes pour 870 hommes qui travaillent à l’écran (comédien-nes et animateurs-trices). Les femmes réussissent en 2009, à obtenir 92,75% du revenu des hommes, ce qui représente un léger gain par rapport à 2006 où elles en gagnaient 84,4 %.
Il est à noter que tous les journalistes sont exclus de notre analyse car ils ont un syndicat indépendant de l’UDA.
Télévision : TVA
Dans l’ensemble du secteur, on retrouve moins de femmes qui travaillent soit 460 femmes pour 542 hommes et le revenu moyen des femmes correspond à 80,7 % de celui des hommes.
Ce sont surtout les jeunes femmes entre 19 et 24 ans qui permettent aux femmes d’augmenter le revenu moyen de ce secteur. Les 20 jeunes femmes concernées affichent un revenu moyen 5,5 fois supérieur à celui des 10 hommes de ce groupe d’âge.
Par ailleurs chez les femmes de 55 ans et plus, il y a 125 femmes et 186 hommes qui travaillent. Les femmes font 65,2 % du revenu des hommes.
Conclusion
L’analyse des chiffres, pour l’année 2009, nous permet de constater un écart de revenus toujours présent entre les hommes et les femmes. Les principaux facteurs en sont la sous-représentation des femmes dans les différents secteurs de l’UDA et l’âgisme. Le montant inférieur de cachets obtenus par les femmes en fait foi.
Oui, il faut encore oser dénoncer, demander de meilleurs cachets, réclamer plus de rôles pour les femmes au cinéma et à l’écran.
Pour qu’adviennent l’équité et l’égalité au niveau des revenus et de l’accès au travail entre les hommes et les femmes, c’est une conscience sociale qu’il nous faut développer. Il reste à créer des lieux réels et virtuels où les femmes pourront développer un réseau d’appui entre elles, mais aussi avec les femmes de tous les milieux. Chaque groupe, chaque personne doit se sentir interpellée par cette situation.
Nous espérons que la situation des femmes artistes pourra évoluer dans les médias grâce à la prise en charge, par des femmes, de leurs propres projets, et aussi en réponse aux démarches continues de sensibilisation auprès de différents intervenants du milieu politique, artistique et culturel. La participation active de chaque élément de la chaîne culturelle fera en sorte que la différence de revenu entre les femmes et les hommes pourra un jour s’annuler.
*Denyse Marleau est responsable du Comité des femmes artistes de l’Union des artistes depuis dix ans.
Faits saillants 2009
Pour tous les secteurs :
Le revenu moyen des femmes représente 77,5 % du revenu moyen des hommes.
Les hommes ont un revenu supérieur de 29 % à celui des femmes.
Pour chaque 100 hommes qui travaillent, il y a 86 femmes.
Les femmes représentent 46,2 % des membres UDA ayant tiré un revenu.
Les femmes se partagent 39,9 % des revenus générés par l’UDA.
Le nombre de cachets versés aux femmes (55 001) représente 71,37 % du nombre de cachets versés aux hommes (77 058).
Double pénalité, les 46,2 % de femmes qui travaillent ne reçoivent que 39,9 % des revenus générés dans l’ensemble des secteurs.