Prière d’un pissenlit
Mon Dieu, mon Soleil, tu m’as fait à ta ressemblance et je suis heureux, moi, pissenlit, d’être un portrait de toi. Qu’il fasse beau ou que le temps soit triste, je garde ma lumière, petite étoile au coin des pelouses ou à travers le long foin sec.
Comme toi, je suis partout, envahissant ou bien discret, selon que la terre est riche ou stérile. Je m’accroche à la vie avec une ardeur que l’on ne retrouve pas toujours chez les humains.
Devant les obstacles, je suis têtu comme une mule. Je crois que tout ce que je porte au fond de moi a droit d’exister au grand jour et que l’asphalte, si résistant soit-il, ne peut m’empêcher de chercher la lumière et l’oxygène.
Les maniaques des gazons verts ne peuvent me tolérer. Je les comprends puisque je n’ai pas bonne réputation. Alors j’ai pensé gagner l’amitié par la douceur. Rien ne me réjouit comme la main d’une enfant qui me rassemble en bouquet pour m’offrir à sa mère. Le regard attendri d’une maman me fait oublier toutes les méchancetés des autres.
Merci mon Dieu, mai Soleil, pour la vie, pour le vent qui me fait danser, pour le frémissement de l’abeille qui se gave de mon pollen, pour le papillon qui réveille en moi le poète si souvent étouffé par ma raison trop sérieuse. Merci pour le goût d’aimer, malgré toute la hargne qu’on déploie à mon endroit. Merci, parce que tu m’aimes tel que je suis, parce que je m’accepte tel que je suis.