QUELQUES REFLEXIONS SUR L’ENGAGEMENT SOCIAL

QUELQUES réflexions SUR L’ENGAGEMENT SOCIAL 

Judith Dufour

Pour parler d’engagement social dans une option libératrice, faut-il forcément faire partie d’un groupe, d’une communauté, d’un collectif? La réponse peut-être oui et non puisque tout engagement social est à l’image de la vie, elle-même mouvante et relationnelle!

Quand il s’agit de pratiques inscrites dans une utopie humaniste vers une plus grande possibilité de justice et de dignité, le groupe devient souvent le LIEU privilégié par: sa visibilité, son potentiel d’action efficace, son nombre et sa capacité d’autocritique. Cependant l’individu en restera toujours le pivot dans une dialectique féconde. Ainsi des actions isolées, dans l’ordre du privé comme du public, relient parfois l’individu, en une sorte de communion d’esprit nommée solidarité, aux actions visibles et radicales d’un peuple, d’une classe, d’un groupe en marche vers ses diverses libérations.

Les engagements individuels ou collectifs, et privés ou publics, emprunteront les voies libératrices parce que des choix conscients seront faits de leur donner cette portée, que ce soit par une option de classe sociale ou de classe de femmes, par une option de défense des droits des groupes marginaux, des groupes opprimés ou exploités, et cela partout où la dignité de l’être humain ne peut plus s’épanouir à cause de forces adverses: exogènes ou endogènes. Ces choix conscients et volontaires sont d’ailleurs essentiels à toute pratique qui se veut libératrice. D’autre part, le fait d’être membre d’un regroupement à vocation libératrice reconnue suffit-il toujours à conférer automatiquement aux actions posées à l’intérieur de ces mouvements sociaux, le qualificatif de « libératrices »? L’observation de la scène socio-politique me laisse songeuse sur ce point!

Personnellement, si je regarde les engagements sociaux de ma vie, je peux dire qu’ils ont été pluriels: individuels ou collectifs, publics ou privés au gré de la conjoncture socio-politique et selon les décennies de mes ans. Mes engagements actuels, privés et publics, sont souvent de l’ordre de l’entr’aide à l’égard d’individus mentalement ou socialement marginaux placés sur ma route; tandis que mes engagements collectifs passent souvent par l’écriture et l’analyse ou par l’animation-formation, « que ce soit dans un collectif comme le nôtre, dans un regroupement de femmes du troisième âge ou, plus spontanément, dans le cadre d’un événement socio-politique particulier. Les grandes questions qui concernent mon appartenance socio-économique continuent de me préoccuper, comme la question nationale par exemple, spécialement dans son articulation, tant avec les droits des immigrants et des autochtones, qu’avec les questions féministes et socio-économiques.

Quant à dévaluation quantitative ou qualitative de mes engagements, si minimes soient-ils, je m’y refuse car ce serait les installer dans un cadre de consommation d’une part ou de moralisât/on d’autre part, lesquelles participent à un système compétitif bien éloigné de ce qui est en jeu, c’est-à-dire, l’effort constant pour rester fidèle à la condition d’être humaine, qui est la mienne.

Quelques réflexions…

Mon option libératrice, je la nourris à la source de ma foi chrétienne et de ma foi féministe. Constamment renouvelée par la réflexion, en un constant combat entre mes aspirations, plurielles elles aussi. Elle devient, au cours du temps qui passe, de plus en plus souvent instinctive, qu’il s’agisse des partis-pris auxquels je me rallie, des soutiens que je choisis de fournir, des alliances que j’établis à l’intérieur des groupes mêmes où je mène quelques combats et tout cela en refusant toute dépersonnalisation et culpabilité stériles. C’est elle qui me permet, en même temps, des pratiques diversifiées et créatrices. Je me sais et me sens alors dans une solidarité ancrée quelque part à un rameau d’olivier auquel me rattachent les valeurs de libération dont Marie et Jésus ont témoigné sur terre, comme le rappelle Ivone Gebara, et qui deviennent ainsi, pour moi, l’étoile à suivre.