RENCONTRE DE THÉOLOGIENNES ET THEOLOGIENS DU TIERS MONDE ET DU PREMIER MONDE
Par Marie-Andrée Roy
Du 5 au 13 janvier, 80 théologiennes et théologiens provenant pour moitié du tiers monde et pour moitié du premier monde, se sont réunis à Genève autour du thème « faire de la théologie dans un monde divisé ». Cette rencontre, la première du genre, s’est déroulée à l’initiative de l’Association oecuménique des théologiens du tiers monde (EATWOT) fondée en 1976 à Dar es Salaam en Tanzanie.
Une telle rencontre, qui voulait permettre aux théologiennes et aux théologiens du troisième monde d’entamer un dialogue avec les soeurs et frères en théologie du premier monde ne s’est pas fait sans tension. La théologie du tiers monde longtemps dominée, acculturée par celle du premier monde, craint toujours les rapports de force avec le monde occidental. Dans le tiers monde, le leadership de l’Amérique latine en matière théologique menace l’affirmation d’un discours théologique propre aux contextes d’Afrique et d’Asie. La « Black Theology » tien à marquer sa spécificité aux u.s.A. Les femmes, malgré toutes ces théologies de la libération, ne sentent toujours pas reconnu le problème de l’oppression patriarcale et revendiquent une lecture théologique féministe de leur lutte de libération.
Les théologies dans les différents contextes proposent des apports neufs. Ainsi, en Amérique Latines. Les communautés chrétiennes de base constituent des lieux d’éclosion d’une spiritualité nouvelle soutenant la longue marche du peuple dans le désert; la Bible est relue avec les yeux de celles et de ceux qui luttent pour la justice et le respect des droits des personnes.
En Afrique, la théologie a longtemps représenté un produit importé d’Europe, empreint de dogmatisme et de prétentions là l’universalité. Il faut s’en libérer. Le concept de pauvreté anthropologique se situe au coeur de la problématique de la théologie africaine. Il implique qu’en plus d’avoir à faire face à une pauvreté économique aigue, l’Afrique doit survivre dans un état de grande pauvreté au niveau des droits fondamentaux et des possibilités d’expression religieuse et culturelle. Les théologiens continuent de revendiquer un concile africain comme condition de résurrection pour révéler l’humanité africaine. la récente visite du pape dans leur continent venait justement contrer cette demande.
La majorité des payas d’Asie se relèvent du colonialisme. Les séquelles sont nombreuses. Nous ne sommes pas sans connaître ces produits manufacturés en Corée, à Hong Kong, au Srilanka., par une main d’œuvre éffronteusement exploitée. La souffrance du peuple asiatique fait revivre la passion de Jésus aujourd’hui et est lieu de révélation. Les théologiennes et théologiens d’Asie font leurs la tradition spirituelle asiatique. Pour ces chrétiens en situation de minorité religieuse, l’hindouisme et le bouddhisme à travers leurs textes sacrés, recèlent un potentiel libérateur. Ils refusent la dichotomie entre politique et spirituel et favorisent de nouvelles formes d’expression théologique incluant les paraboles, la danse, la peinture, etc.
Dans le premier monde des théologiens et des théologiennes découvrent des manifestations du tiers monde au sein même des réalités sociales européenne et nord américaine. Et comme pour toute pratique de la théologie de la libération, ils doivent avant tout se faire solidaires des luttes de libération des plus pauvres pour comprendre la révélation de Dieu et relire la Bible avec des yeux de pauvres.
Pour nous aujourd’hui, femmes du monde occidental qui vivons différentes formes d’oppression mais qui. en même temps bénéficions des privilèges du système en place (nous ne sommes pas sans contradictions) nous avons à nous poser une question. A quelles conditions pourrous-nous rendre crédible notre discours de solidarité avec l’ensemble de nos soeurs et nos frères exploités?
Malgré toutes ces différences, et grâce à cette diversité pourrons-nous dire, nous avons pu être interpellés radicalement dans le champ de nos pratiques propres. Loin de vouloir niveler ces différences, nous avons reconnu en elles un appel sans équivoque à la conversion aux différentes souffrances et luttes de libération et un lieu privilégié de la révélation de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ.
Les oppressions se font nombreuses. Rappelons-les brièvement :
Le racisme, ce système institutionnalisé de discrimination des personnes sur la base de la race continue de faire des ravages importants en Afrique du Sud et aux U.S.A. Il se manifeste également dans d’autres pays A l’égard de d’autres minorités raciales. En ces temps de crise économique dans le monde occidental, l’étranger, la personne d’une race différente fait souvent figure de bouc émissaire.
Le sexisme, cette idéologie qui justifie la domination systématique d’un sexe sur l’autre atteint toutes les femmes qui vivent dans nos sociétés patriarcales. Il se concrétise dans différentes formes de violence (psychologique et physique) et interdit à la race des femmes d’atteindre sa pleine humanité.
Le classisme, organise, structure la domination et l’exploitation sociales, économiques et culturelles des pauvres, des travailleuses et des travailleurs, des assistés sociaux et de l’ensemble des petits. Une économie basée sur les profits encourage la consommation effrénée et le gaspillage des ressources. L’impérialisme assure A une échelle mondiale le maintien de cette organisation sociale, concentre les ressources entre les mains d’une minorité toujours plus restreinte et occasionne un appauvrissement structurel continue de la majorité.
Le militarisme, cette course démentielle à l’armement au nom de la sécurité nationale, constitue une menace radicale a la paix dans le monde. Les sommes fabuleuses dépensées à l’achat d’armes toujours plus sophistiquées ne permettent pas d’espérer l’établissement d’une plus grande justice comme solution, aux problèmes cruciaux de faim et de pauvreté dans le monde.
L’ensemble de ces oppressions nous sont apparues interreliées et formant un système qu’il faut combattre pour assurer l’émergence d’un nouvel ordre mondial.