Réseau mondial des groupes de femmes ayant le français en partage
Octobre 98. Plus de trente femmes engagées se rencontrent, partagent leurs inquiétudes et leurs espoirs et mettent des perspectives en commun. Elles proviennent d’Europe, du Québec, de l’Afrique centrale, des Caraïbes ou de l’Afrique de l’Ouest. Elles participent à un atelier organisé par le Réseau mondial des groupes de femmes ayant le français en partage.
Depuis juin 95, ce réseau tisse patiemment des liens continus entre des groupes de femmes qui veulent approfondir et mondialiser leurs solidarités. Plus de 70 groupes en provenance de 22 pays en sont membres. Le Réseau a ceci de particulier : il est d’abord et avant tout un outil d’échange direct entre groupes de femmes sur le terrain. Comme bon nombre de groupes de femmes, ses ressources sont minces et rares. Il est soutenu, parfois à bout de bras, par une dizaine de femmes québécoises issues de différents organismes du Québec et du Canada français. Le Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine pilote le dossier. Tout groupe de femmes qui partage ses valeurs d’engagement solidaire et égalitaire peut y adhérer.
Créer dans le contexte de la préparation à la Quatrième Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes (Beijing), le Réseau veut à la fois briser l’isolement ressenti par de nombreuses femmes qui communiquent en français dans les grands événements internationaux et favoriser la solidarité agissante que permet une langue commune. Le premier atelier, tenu à Beijing même, a réuni plus de 30 déléguées présentes. Avant et après, nous avons vécu plusieurs rencontres, petites ou grandes : à Montréal et au Québec, à Huairou, près de Beijing, à Cotonou (Bénin) et bientôt à Moncton et à New York. Des femmes de tous horizons peuvent ainsi renforcer leur action quotidienne par l’échange solidaire. À Montréal, l’une de ces rencontres a permis aux déléguées présentes de participer directement à la marche « Du Pain et des Rosés » contre la pauvreté.
Le Réseau favorise et appuie aussi les échanges ponctuels entre ses groupes membres sur des problématiques communes. Ainsi, à l’automne 97, des déléguées rwandaises et québécoises ont partagé leur expertise sur la problématique de 1a violence faite aux femmes (problématique qui devient critique dans un contexte de génocide); des groupes de femmes du Québec, du Cameroun et du Rwanda ont participé au tribunal international sur la violence faite aux femmes en Haïti. On peut lire dans le bulletin du Réseau le compte rendu de plusieurs expériences concrètes de solidarité internationale vécue par des groupes de femmes. On y retrouve toute la richesse de la réflexion, de l’expertise et des savoirs des groupes de femmes impliqués.
Plus généralement, le Réseau vise une action à plusieurs niveaux :
•* la diffusion de l’information : une liste des membres à jour, un bulletin de liaison, et des communications continues pour favoriser la circulation des idées, la mise en place de projets d’échanges et de formation, la participation solidaire à des événements importants. Nous espérons bientôt, grâce à un projet récent, stimuler l’accès aux nouvelles technologies de l’information et des communications dans plusieurs pays où les groupes de femmes en sont privées;
•* la participation aux grands événements internationaux qui nous concernent par une double diffusion de l’information (information sur l’événement et diffusion de la liste de nos membres à nos partenaires et alliées). Le Réseau veut contribuer à une participation active de ses membres aux conférences, instances et événements qui les préoccupent;
•* l’organisation de rencontres : nos moyens étant limités, nous profitons des événements internationaux majeurs pour organiser des ateliers/rencontres. Ces rencontres, destinées à nos membres ou aux déléguées présentes qui communiquent en français, sont des moments clés, une occasion vivante de faire le point, de partager nos connaissances et expériences et de confronter des points de vue;
•* la concertation avec nos partenaires : le Réseau participe aussi à de nombreuses alliances qui contribuent à la solidarité internationale entre féministes (Marche des femmes de l’an 2000, Carrefour femmes de solidarité internationale, etc.);
•* et le quotidien : accueil de visiteuses en provenance de partout, jumelage ponctuel sur des problématiques communes, réponse aux demandes d’information, campagnes de lettres et de fax pour permettre aux féministes d’en connaître davantage sur leurs réalités, leurs bons coups, leurs réalisations, leurs intérêts… et les situations d’urgence.
Dans la période critique et tourmentée que nous traversons, la solidarité agissante est un souffle d’air frais plus que jamais nécessaire. Dans un contexte où les gens de pouvoir ne parlent que de mondialisation, de restructuration économique et de libéralisation du commerce et où les femmes vivent au quotidien les conséquences de leurs choix; au moment où les enjeux politiques se durcissent et se traduisent par la violence, la destruction et la montée d’intégrismes de tout genre, les groupes de femmes ont besoin, plus que jamais, de se serrer les coudes. La Marche mondiale des femmes prévue pour l’an 2000 sera un des moments forts de cette volonté. Les réseaux d’échanges peuvent aussi contribuer à notre mondialisation , celle de la solidarité. C’est là l’espoir qui fait vivre notre Réseau.
ROSALIE NDEJURU,
Centre de documentation sur l’éducation des adultes et la condition féminine