SAFFIA, FEMME DE SMYRNE1
de Rita Amabili-Rivet. Ottawa, Novalis, Université Saint-Paul, 2007, 294 pages.
Léona Deschamps, Houlda
Rita Amabili-Rivet est une écrivaine québécoise née à Montréal le 15 décembre 1954. Depuis le début des années 1990, elle étudie en théologie tout en menant une carrière d’auteure, d’animatrice de radio (1995-2000) et de conférencière.
La solidarité et la chaîne humaine universelle sont les thèmes de base sur laquelle repose son oeuvre. Elle trouve son inspiration dans sa famille composée de son compagnon de vie et de ses trois jeunes adultes.
Rita Amabili-Rivet, une infirmière de formation devenue écrivaine, semble nous convier à une double lecture de son roman Saffia, femme de Smyrne. À mon avis, parcourir l’oeuvre écrite dans une prose d’allure poétique s’avère tout autant fréquenter l’écriture d’une histoire que l’histoire d’une écriture.
D’une part, l’auteure relate l’histoire fictive de Saffia qui, à l’instar de Marie de Magdala, veut marcher avec Jésus dans le chemin qu’il a voulu que les femmes suivent avec lui. Entre les années 117 et 123 après Jésus-Christ, c’est dans la communauté de Smyrne que l’héroïne devenue diaconesse expérimente l’odyssée fabuleuse des disciples égaux. Une expérience qui menace de la conduire au martyre.
Dans la première partie de la fiction, Saffia évolue vers la prise de conscience de son appel dans un contexte de pratique de l’esclavage à divers niveaux. Cependant, certaines femmes s’impliquent dans la communauté naissante malgré l’influence de chrétiens qui les jugent, selon la tradition, indignes de transmettre le message du Christ. Avec la deuxième partie, on assiste à la célébration de l’imposition des mains de l’épiscope Polycarpe sur Saffia, à ses voyages missionnaires et à son rôle de présidente d’assemblées croyantes. Au troisième, l’émotion nous gagne en lisant la narration du cheminement spirituel de Stefanas, l’esclave médecin affranchi qui s’éveille à l’amour gratuit de Dieu que lui révèle Saffia. Entremêlée d’extraits du Cantique des cantiques, la dernière partie convoque à la célébration du baptême de Stefanas, à son mariage avec la diaconesse et à leur martyre évité de justesse pour laisser présager la possible création de communautés de disciples égaux.
D’autre part, des petites icônes ponctuent les vingt-quatre chapitres titrés et distribués soigneusement dans les quatre parties du volume comme pour signaler l’histoire voulue d’une écriture. De fait, l’écriture s’invente à travers de nombreuses entorses aux règles d’une narration continue, celle de l’évolution de la vocation de Saffia, la diaconesse de Smyrne. L’auteure multiplie à profusion les descriptions séduisantes et focalisées lors de l’entrée en scène des personnages secondaires et selon les milieux fréquentés.
Dans le processus de sa création romanesque, l’écrivaine exploite un large réseau de relations intertextuelles comme en font foi la présentation des sources bibliques et historiques ainsi que des approches théologiques consultées préalablement à la création du récit romanesque. La minutieuse description de diverses célébrations communautaires, baptême, sépulture, ordination, fraction du pain et mariage, suscite une lecture empreinte d’intériorité et donne le goût de sortir des rituels de nos liturgies sans âme.
Bref, cette fiction de Rita Amabili-Rivet, née d’une minutieuse auscultation de diverses techniques littéraires, s’avère un roman en bonne santé qui réveille le verdict du nécessaire combat féminin pour l’accès des femmes à l’ordination et la création de communautés chrétiennes constituées de disciples égaux, égales, selon la volonté du Ressuscité.
1. Article paru dans le bulletin Reli-femmes de l’ARPF.