Sociologie de l’affirmation des femmes dans l’Église.

  Les ouvrières de l’Église

Sociologie de l’affirmation des femmes dans l’Église.

Marie-Andrée Roy.

Montréal, Médiaspaul, collection Notre temps #49, 1996, 420 pages.

Celles et ceux qui croient encore que la présence massive des femmes dans les divers lieux d’engagements ecclésiaux est une garantie non équivoque de l’égalité et de l’équité accomplies, auront, au terme de la lecture du volume de Marie-Andrée Roy, Les ouvrières de l’Église, la surprise de constater que le champ de bataille est toujours sous leurs pieds.

Celles qui ont cru et qui croient s’affranchir en investissant généreusement leur potentiel de créativité et leurs forces productives au service d’une institution qui se dit libératrice, feront la troublante découverte qu’elles ne font que consolider le pouvoir clérical qui les opprime, sans bénéficier d’un changement en profondeur de l’Église.

C’est par souci de faire la vérité sur les rapports de pouvoir entre les hommes clercs et les femmes laïques, après une longue réflexion et une vaste expertise de la réalité ecclésiale, que l’auteure en arrive à cette conclusion.

Pour mieux comprendre les rapports de pouvoir entre les femmes et les autorités masculines des différents paliers hiérarchiques de l’institution et pour cerner la façon dont les femmes se situent à l’intérieur de ces rouages, la chercheuse appuie son analyse sur la théorie wébérienne du pouvoir dont les concepts mettent en lumière l’existence du patriarcat catholique dans son rapport avec les femmes ainsi que sur la théorie féministe de Colette Guillaumin dont les travaux sur l’appropriation servent à circonscrire de façon différente la dynamique du pouvoir religieux.

Même les personnes peu familières avec les structures de l’Église catholique, de même que celles qui y sont intégrées sans tout comprendre, saisissent d’emblée, à la lecture de la première partie de l’ouvrage, l’enjeu dont elles sont l’objet dans cette organisation patriarcale.

Le portrait des acteurs de la pyramide hiérarchique de l’autorité avec ses multiples formes de domination, le statut et les rôles attribués aux femmes à la base de cette pyramide, l’analyse des discours théologiques traditionnels sur les femmes n’ont aucune difficulté à démasquer les règles mises de l’avant dans le gouvernement de cette institution.

Dans la deuxième partie, l’analyste perspicace appuie sa réflexion sur des manifestations concrètes du pouvoir clérical sur des femmes engagées dans deux paroisses du diocèse de Montréal, ainsi que sur l’expérience de femmes impliquées à d’autres paliers de l’organisation ecclésiale, à travers leurs témoignages et leurs écrits.

L’auteure conclut son analyse en faisant remarquer avec beaucoup de justesse que les rapports de pouvoir qui se vivent dans l’Église sont étroitement liés à la compréhension de ce que sont les femmes.

Avec Les ouvrières de l’Église, les nombreuses études féministes des vingt dernières années s’enrichissent d’un nouvel outil de transformation tant sociale qu’ecclésiale à la portée de toutes et de tous. La clarté projetée par l’analyste sur la réalité ecclésiale, si sombre soit-elle, provoque un réveil indispensable à la longue marche de l’Église vers la libération.

Dans l’ombre qui plane sur le peu d’avenir ouvert aux femmes dans l’institution catholique romaine, l’ouvrage inédit et percutant de Marie-Andrée est à lui seul, par l’élan qu’il provoque, source d’espérance et promesse d’une Ekklèsia nouvelle.

MONIQUE MASSÉ, MARIE GUYART