TENTEE ET SEDUITE
Christine Lemaire- Bonnes Nouv’Ailes
En faisant appel à L’autre Parole, je cherchais à ne plus être toute seule. Depuis quelques années, mon sentiment d’appartenance à l’Eglise s’était quelque peu refroidi: ma prise de conscience féministe et ma vie de femme m’avaient écartée des idées généralement prônées par te clergé. Je souffrais d’être à ta fois si croyante et si peu d’accord avec ce que l’Eglise me proposait. Ma lettre à L’autre Parole représentait un immense espoir: celui de ne pas être ta seule à me débattre avec mes contradictions. La réponse fut on ne peut plus positive.
Monique Hamelin, dont te bureau se trouvait par hasard sous te mien, à l’Université de Montréal (preuve que les solutions à nos attentes sont souvent très près de nous) me proposait quelques jours plus tard de publier ma missive1– Enchantée d’un tel accueil, je conservais une certaine crainte: qu’est-ce que j’allais trouver dans ce groupe? Malgré tes explications de Monique, te n’étais pas fixée sur un point fondamental: le réalisme, l’humain. De plus j’avais peur de rencontrer des femmes un peu « déconnectées », les mains jointes et les yeux dans l’eau. Je suis allergique à ta pseudo-sainteté.
J’ai donc profité de la première soirée de prière organisée par Bonnes Nouv’-Ailes pour aller voir… Le lieu (public) se prêtait à merveille à ma première rencontre. Intentionnellement quelques minutes en retard, pour pouvoir « me mêler à la foute » sans trop me faire remarquer, ma surprise allait être de taille.
Je suis arrivée la première. Il n’y avait que Lucie, « ta prêtresse d’un soir »2 qui. un peu désespérée, avait éteint ses chandelles de peur qu’elles ne fondent complètement avant que ta « foute » se présente. On s’est mis à parler des joies de la ponctualité; puis elle m’a décrit avec une grande lucidité ce qu’était L’autre Parole. Ensuite Louise Gauthier est arrivée. Du même coup, mes scrupules ont disparu. Leur conversation m’a donné te goût de partager avec elles. de me raconter moi aussi. Les filles de Bonnes Nouv’Aites ne prétendaient pas être plus parfaites que les autres. Leurs difficultés et leurs joies s’incarnaient dans le quotidien. Cela m’a réconfortée. La célébration qui suivit (Monique Hamelin s’était jointe à nous) fut sobre et profonde. Jamais te ne m’étais sentie autant concernée, interpellée. J’ai donc décidé de m’intégrer à Bonnes Nouv’-Aites.
En rencontrant les filles de L’autre Parole, j’ai cessé de me sentir seule; j’ai aussi trouvé la nourriture nécessaire pour poursuivre une démarche oui semblait gravement compromise par te peu d’avenues que m’offrait l’Eglise. Cette démarche est sans cloute particulière, mais il s’agit tout de même d’un cheminement de foi. Oh! bien sûr. on n’a pas répondu à toutes mes questions; j’en suis d’ailleurs très heureuse, puisque ces interrogations me permettront d’avancer avec le groupe.
D’autre part, j’ai été séduite par l’audace de vos revendications et de vos espoirs. Je me sens concernée par votre détermination et le courage dont vous faites preuve dans votre désir de changer une Eglise qui semble parfois coulée dans le ciment. Grâce à vous, j’ai réalisé que tes expressions telles que « le grain de sénevé » ou encore « une pierre de l’édifice », ne sont pas vides de sens.
Vos réflexions me font du bien. Elles me font sentir que tes femmes ont des possibilités au sein de l’Eglise que je n’avais même pas soupçonnées. Elles m’ont surtout fait découvrir, moi qui me sentais tellement marginale, que le féminisme est en droite ligne avec le projet de Jésus.
1 Voir noire bulletin sur « Nos contradictions », * 27. N.DiR.
2 cf. L’autre Parole, * 29