SAMEDI SOIR
INTRODUCTION
(L’assemblée est accueillie au son de la musique d’Éric Satie.)
Chaque participante prend place sur les bancs disposés en demi-cercle en avant de la chapelle. La présidente se rend à un siège placé à la droite de l’autel et s’adresse ainsi à l’assemblée.
Depuis quelque temps, des fouilles archéologiques se font sur la vieille Via Appia en Italie. Dernièrement, les archéologues ont trouvé un petit coffre de marbre, dans lequel il y avait un document qu’ils ont daté du 1er siècle de notre ère. C’est une lettre d’une certaine Junias à une certaine Lydia. Le document, parlant de christianisme, a été remis à des exégètes. Ceux-ci (‘étudient encore, ils l’ont inscrit: «papyrus 61». Ils se demandent si cette Junias ne serait pas celle que Paul qualifie d’«apôtre éminente». Tout porte à croire que ces deux femmes étaient responsables de communautés pauliniennes.
Salut!
Pour s’identifier aux femmes soumises de l’Empire romain du premier siècle, les femmes de l’assemblée sont invitées à s’attacher les cheveux ou à mettre le foulard qu’on leur présente.
LECTURE DE LA LETTRE DE JUNIAS À LYDIA
Ma très chère Lydia,
C’est avec enthousiasme que je t’écris cette lettre, puisqu’on te rendant compte de mes faits et gestes des dernières semaines, je pourrai faire le point sur ce que j’ai vécu.
Il y a encore malheureusement, assez peu de personnes à qui je peux raconter mon expérience hormis, bien entendu, Andronicus qui partage avec moi sa passion pour la religion nouvelle. Mais, si bon sort-il, un homme reste un homme et j’aime partager avec une soeur, en l’occurrence, ma plus grande amie, mes impressions et mes sentiments profonds concernant ce que je viens de vivre…
À toi, ma soeur chérie, qui es intéressée par cette foi nouvelle qui fleurit dans tout l’empire mais qui n’ose pas encore faire le grand saut, je viens raconter la dernière EKKLÈSIA des femmes, tenue à Smyme en l’an 96. Nous sommes parties des quatre coins de l’Empire, deux par deux, seules ou en groupes pour nous rejoindre à Smyrne.
En ce moment, des femmes arrivent de part et d’autre de l’autel et rejoignent l’assemblée.
Personnellement, partant de Rome, cela me prit 15 jours. J’ai eu grand plaisir à revoir certaines compagnes que je n’avais pas vues depuis des années. Phoebé, Prisca, Marie, Persis, Julie, elles étaient toutes là, convaincues de la grande importance du rassemblement organisé. Au cours des jours qui suivirent, nous nous sommes échangé nos expériences. Chacune évolue à sa manière sur le chemin du Christ.
J’ai eu aussi une grande joie à constater que la foi en Jésus s’est développée et a fait de nouvelles adeptes. J’ai fait leur connaissance. Tout le séjour à Smyrne m’a démontré à quel point toutes ces femmes sont espérantes.
SYMBOLIQUE DES CHANDELLES
On allume des cierges, symbole de la foi qui se propage
Car, dois-je le préciser, ma chère Lydia, il s’agissait bien d’une EKKLÈSIA des femmes, une des premières, dans cette nouvelle foi, mais non la dernière, je te l’assure! Est-il besoin de te convaincre que sans jamais avoir l’idée de nous exclure ou de nous isoler du grand mouvement des hommes et des femmes en Église, nous éprouvons, nous, les femmes, le besoin de regrouper nos forces, de nous poser certaines questions nous concernant de manière plus spécifique.
Des enjeux bien précis se dessinent. En effet, tous les membres de notre EKKLÈSIA, bien qu’animés d’un grand désir de vivre selon les préceptes de Jésus Christ, n’en demeurent pas moins influencés par leurs expériences passées et leur culture. Et, comme tu le sais, notre société n’en étant pas une de totale égalité entre les hommes et les femmes, nous constatons, au sein de notre communauté, certains signes de misogynie. La discrimination, même considérée comme un manquement au message du Christ, prend plusieurs visages!
Tu sais que, depuis la nuit des temps jusqu’à nos jours, les cheveux ont toujours eu une signification à connotation sexuelle. Pour nous, femmes, ils sont symboles de domination. Quant à nos hommes, nos cheveux sont considérés comme objets de convoitise pour les autres hommes. Alors, ils nous ont voilées pour garder leur possession bien à eux.
Rappelle-toi, chez les sémites du Moyen-Orient Ancien, la femme mariée devait se voiler pour marquer son appartenance à son mari. Elle passait de la domination de son père et de ses frères à celle de son mari.
À la période hellénistique d’il y a quelques siècles, nos soeurs ne pouvaient sortir du gynécée que couvertes de la tête aux pieds. La règle était sévère. La femme mariée ne devait être vue que par son mari et sa famille proche. Certains pères n’acceptaient môme pas que leurs fils voient leurs mères.
Souviens-toi aussi de la Loi Lévitique du pur et de l’impur qui fut appliquée, au retour de l’Exil, en Palestine. Elle punissait de lapidation la femme mariée qui sortait les cheveux défaits, flottants sur les épaules. Pour les gardiens de la Loi, cette conduite était assimilée à l’adultère. C’était un crime aussi grave que de sortir la poitrine nue.
Nous, gréco-romaines de notre ère, nous avons la chance d’avoir vu naitre la philosophie stoïcienne. Depuis son avènement, une certaine égalité a été reconnue à la femme. Elle nous a donné la possibilité de participer et même de diriger des cultes à mystères. Notre initiation à ces mystères se faisait par un geste de libération de la domination masculine, exprimé par le fait de décoiffer nos cheveux et de les laisser tomber sur nos épaules.
Après notre adhésion au grand message de libération apporté par Jésus de Nazareth, sentant le vent dans les voiles, nous avons désiré continuer cette habitude dans nos célébrations.
Tu te rappelles peut-être la polémique qu’il y a eue dans la communauté de Corinthe, dans les années 50, au sujet de la chevelure des femmes. Paul, dont le souci était le non-scandale des faibles par les adeptes du Christ, nous a demandé d’être dignes pour prendre la parole au sein de l’assemblée. AUPARAVANT, IL NOUS AVAIT RÉITÉRÉ NOTRE ÉGALITÉ FONDAMENTALE D’ENFANTS DE DIEUE ET DE SOEURS DU CHRIST.
Mais voici qu’avec le temps, quelques-uns de nos frères veulent reprendre les guides, ils veulent, en se servant d’arguments théologiques, nous asservir de nouveau. Il est môme question, chez certains de nos leaders masculins, de nous demander de remettre le voile pour protéger leur concupiscence et comme signe – tiens-toi bien – du poids de la faute d’Ève.
Lorsque nos soeurs d’Alexandrie et de la Syrie- Palestine nous ont communiqué cette horreur, nous avons décidé, en signe de protestation, de défaire nos cheveux et môme, de ne plus utiliser notre «peplos» pour nous couvrir la tête contre le soleil et les intempéries. Il faut se donner la main et convaincre nos soeurs en Christ des quatre coins de l’Empire, de participer à notre geste, sinon ce sera nos soeurs des siècles à venir qui souffriront de notre omission.
SYMBOLIQUE DES CHEVEUX:
En signe de libération, les femmes de l’assemblée se dénouent alors les cheveux, quittent leur voile et, soutenues par une musique appropriée, initient un pas de danse.
Cette EKKLÈSIA a donné lieu à des discussions et à des travaux mais aussi à des fêtes et à des célébrations. La vie est si belle dans le Christ et l’espoir en l’avènement d’un monde renouvelé est si bouleversant, que les coeurs sont facilement enclins à célébrer.
Un soir, après le coucher du soleil, nous nous sommes réunies chez Lucilla. Nous avons d’abord dansé puis nous avons partagé le vin et les fruits. Ensemble, nous avons chanté la gloire du Seigneur et avons loué son Amour. Nous l’avons imploré pour que justice soit faite envers nos soeurs de tous les coins de la terre: Toi qui es tendresse et équité, rappelle-toi de nos soeurs, celles de l’Empire et celles de tous les royaumes de la terre.
Délivre du joug celles qui t’en implorent.
Manifeste ta lumière à celles qui errent dans la nuit. Offre-leur en héritage la paix, la reconnaissance de leurs droits.
Éloigne d’elles l’humiliation de la soumission, la violence destructrice.
Habille leurs coeurs d’espérance sur le chemin de leur libération, TOI, LE FIDÈLE TÉMOIN DE LEURS ATTENTES LES PLUS SECRÈTES.
. SYMBOLIQUE DU PAIN:
Réunies autour de la table, toutes ensemble, nous partageons alors le pain, le vin, les fruits et le fromage dans un climat de communion et de partage.
Y a-t-il, Lydia, une façon spécifiquement femme de vivre la foi au Christ? Je suis, pour ma part, portée à penser que, même si le fond peut parfois être le môme, la forme, Lydia, la forme ne peut qu’être influencée par notre féminité. J’ai un grand bonheur à laisser libre cours à notre façon différente de vivre notre espérance.
. Les femmes de l’assemblée sont alors appelées à partager leur espérance d’un monde nouveau…
La force qui s’est dégagée de notre EKKLÈSIA, a donné aux femmes qui y ont participé, plus de confiance en elles-mêmes.
Lydia, cette lettre ne pourra te donner qu’une faible idée de l’élan qui m’habite depuis mon retour de Smyrne. J’ai, ma soeur, le sentiment immense – et prophétique – que je marche, avec les femmes des premières générations de chrétiennes, devant des centaines de milliers d’autres qui marcheront vers l’avènement du royaume. L’espoir est énorme en l’égalité des femmes et des hommes sur cette terre….
Ta soeur dans le Christ Junias
BONNE NOUVAILES