Dès le vendredi soir, les femmes avaient été invitées à coller, écrire, dessiner (le matériel étant déjà sur place) des images, des mots, des dessins, sur deux grands cartons blancs, l’un portant l’inscription « Je résiste à… », l’autre « Je me solidarise avec… ». Elles auront toute la journée du samedi pour compléter les murales qui nous accompagneront pendant la célébration.
Animation à quatre voix qui seront identifiées par les lettres : Y., D., L. et C. (Phoebé)
Les femmes forment un cercle autour d’une grande table.
Mot de bienvenue par Y.
Bienvenue à chacune autour de cette grande table déjà dressée des ingrédients qui serviront au moment du partage « des fruits de la terre ».
Vous y voyez également une photo de notre amie Yvette Laprise (1) et une gerbe de roses.
D.
On ne peut parler de solidarité et de résistance sans nous rappeler la « Marche du pain et des roses de 1995 » et sans nous mettre sous le signe de l’Espérance. C’est pourquoi nous avons choisi ces roses nommées Roses de l’Espérance pour compléter la décoration de notre table.
L’assemblée est invitée à se lever.
L’animatrice poursuit :
C’est la première fois que toute la collective est réunie pour célébrer, depuis le
départ de notre amie Yvette. En préparant cette célébration, nous nous sommes dit que nous avions le goût d’inviter Yvette à célébrer avec nous. Pour ce faire, nous avons choisi une prière qu’elle aurait probablement aimée, elle qui nous a appris avec tant de patience et de sagesse à tenter de vivre le moment présent.
Toutes ensemble les femmes disent cette prière.
Vis le jour d’aujourd’hui
Vis le jour d’aujourd’hui,
Dieu te le donne, il est à toi, vis-le en Lui.
Le jour de demain est à Dieu,
Il ne t’appartient pas.
Ne porte pas sur demain
Le souci d’aujourd’hui.
Demain est à Dieu : remets-le Lui.
Le moment présent est une frêle passerelle :
Si tu le charges de regrets d’hier,
et de l’inquiétude de demain,
la passerelle cède et tu perds pied.
Le passé ? Dieu le pardonne.
L’avenir ? Dieu le donne.
Vis le jour d’aujourd’hui en communion avec Lui.
(Auteure ou auteur inconnu.Texte trouvé sur une petite sœur du Sacré-Cœur tuée en Algérie.)
Y.
Reconnaissons que nos vies ne sont pas toujours en accord avec ce que nous aimerions et demandons à Dieue, la Christa, le courage qui nous manque souvent pour répondre aux appels qui nous sont lancés.
Nous avons parlé depuis hier de résistances, de solidarités.
Nous savons, en tant que chrétiennes féministes, que nos actions et nos engagements s’inspirent de la vie et des enseignements du Christ qui nous a dit, avant de mourir :
« Ce que j’ai fait, faites-le vous aussi ». Et pourtant, certains jours, on entend des appels, mais on n’a pas le goût de les entendre ; on n’a pas le goût d’y répondre :
Pardonne-nous Seigneur. Aie compassion pour nous.
Ensemble, chantons ce chant
Seigneur tu comptais sur nous (Kyrie)
1 — Seigneur, tu comptais sur nous
Pour annoncer ta Parole
Mais nos « bonnes raisons »
Nous entraînent au silence.
Kyrie Eleison Kyrie Eleison
2 — Seigneur, tu comptais sur nous
Pour apporter ta Lumière
Mais nous laissons le feu
S’endormir sous la cendre !
Christe Eleison Christe Eleison
3 — Seigneur, tu comptais sur nous
Pour prendre soin de tes pauvres
Mais nous rêvons toujours
D’entasser nos richesses.
Kyrie Eleison Kyrie Eleison
4 — Seigneur, tu comptais sur nous
Pour transformer notre monde
Mais nous laissons nos vies
S’emmurer d’habitudes !
Kyrie Eleison Kyrie Eleison
5 — Seigneur, tu comptais sur nous
Pour faire aimer ta justice
Mais nous fermons les yeux
Pour rester bien tranquilles.
Christe Eleison Christe Eleison
6 — Seigneur, tu comptais sur nous
Pour consoler ceux qui pleurent
Mais nous avons si peur
Que leurs croix nous submergent !
Kyrie Eleison Kyrie Eleison
(Paroles et musique de Robert Lebel)
Pour les réécritures, les femmes avaient travaillé non plus selon leur groupe d’appartenance, mais en fonction du texte qu’elles ont eu le goût d’approfondir.
L.
Chaque groupe est invité à venir faire la lecture des réécritures
de leur atelier de l’après-midi.
Entre chaque présentation, on chante deux fois le refrain suivant
sur l’air de Sacco et Vanzetti.
Maintenant nous sommes réunies Pour parler du fond de nos cœurs
Pour chanter notre liberté
Avec elle c’est la vie.
Première lecture Réécriture d’Esther, chapitre 1 : Vasthi.
Sur les rives du grand fleuve à Rimouski, 10 000 femmes s’étaient réunies afin de revendiquer et de célébrer la fin de leur marche mondiale. Se sentant menacé devant cette manifestation collective, Harper, inquiet du fait qu’elles ne veuillent plus n’être que belles, mais rebelles, convoque d’urgence son cabinet : quelques conseillers spéciaux ainsi que ses ministres les plus influents (justice, défense, économie, patrimoine, santé), les rares personnes admises à voir la face du premier ministre.
— Selon la loi, dit Harper, que faut-il faire à ces femmes qui désobéissent et refusent de se consacrer à leurs familles ?
Le conseiller spécial responsable du bureau en matière de liberté de religion répliqua :
— Ce n’est pas contre le premier ministre que ces femmes ont mal agi, c’est aussi contre tous les puissants et contre toutes les populations répandues à travers le pays. La façon d’agir de ces femmes ne manquera pas de venir à la connaissance de toutes les femmes qui n’en seront que plus portées à mépriser leurs maris en leur for intérieur. Le premier ministre avait donné l’ordre de se taire et elles n’ont pas obéi.
C’est ainsi que Harper décida de couper toutes les subventions aux groupes qui ont osé se rebeller. Malgré ces sanctions, les femmes continuèrent à résister et elles préparent le festin de 2015 : Libérons nos corps, nos terres et nos territoires !
Refrain — Maintenant nous sommes réunies
Deuxième lecture
Réécriture de Luc, chapitre 24 : Les femmes au tombeau
Yvette, notre sherpa spirituelle, la source où s’abreuvait notre espérance, est morte.
Elle nous exhortait à nous rassembler pour vivre notre utopie. « N’ayez pas peur, disait-elle. »
L’annonce qu’Yvette est décédée se répand comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux. Rapidement, un appel est lancé à toutes les femmes afin qu’elles se réunissent sur la montagne et cela en dépit de la résistance des élites politiques, économiques et religieuses qui tentaient de les intimider et de les dénigrer. Des femmes se rassemblèrent sur toutes les montagnes du monde.
Reprenant les paroles d’Yvette :
N’allez pas chercher le vivant parmi les morts.
N’ayez pas peur de résister au système patriarcal.
Il faut créer le monde nouveau, un monde sans pauvreté,
où l’égalité, la justice, la solidarité et la paix règnent.
Les femmes savaient que cela était bon.
De jour en jour, les regroupements ne faisaient que croître.
Les pouvoirs politiques, économiques et religieux essayaient de briser la solidarité des femmes.
Vous délirez, vous radotez, on ne vous croit pas, mais au fond, c’est qu’ils avaient peur.
Nous serons solidaires !
Nous serons en marche tant que toutes les femmes ne seront pas libres.
C’est ensemble que nous créerons un autre monde.
Refrain — Maintenant nous sommes réunies
3e lecture
Réécriture de Matthieu 15, 21-28, La Cananéenne
Récit des Cananéennes québécoises
En ce 17 octobre, Journée internationale contre la pauvreté, la collective Les Cananéennes, un regroupement de femmes immigrantes et assistées sociales, décide de se rendre au bureau du Premier ministre pour présenter leurs revendications. Ces femmes pauvres veulent une augmentation du revenu minimum garanti afin de nourrir convenablement leurs enfants.
Le Premier ministre agacé par ces revendications ne prend même pas la peine de leur répondre. Sa garde rapprochée lui conseille de renvoyer ces femmes et, si nécessaire, de faire intervenir les gardiens de l’ordre.
Dans un nouvel élan, les femmes reviennent à la charge et lui disent sur un ton déterminé : « Monsieur le Premier ministre, c’est de votre responsabilité de répondre aux besoins essentiels de nos enfants ; ils ont faim. »
Le Premier ministre leur répond : « Vous comprendrez que nous devons d’abord voir au bien-être des enfants d’ici avant de répondre aux besoins des nouveaux arrivants. Et il nous faut veiller au bon roulement de l’économie. »
« Justement monsieur le Premier ministre, nous aussi par notre travail nous contribuons au bon roulement de l’économie et même à la prospérité du pays. »
Et la discussion se poursuivit…
À ce jour, nous ne savons pas si le Premier ministre a fini par se laisser convaincre par la Collective, comme Jésus a fini par se laisser toucher par la Cananéenne après trois interpellations de sa part.
Connaissant la résilience des femmes, elles développeront certainement d’autres stratégies pour obtenir gain de cause.
Refrain — Maintenant nous sommes réunies
Quatrième lecture Réécriture de la péricope de l’hémorroïsse, Marc 5,25-34
Une femme, qui souffrait d’hémorragies depuis 12 ans — elle avait beaucoup souffert du fait de nombreux médecins et avait dépensé tout ce qu’elle possédait sans aucune amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré —, cette femme, donc, avait appris ce qu’on disait de Jésus.
Elle vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. Elle se disait : « Si j’arrive à toucher au moins ses vêtements, je serai sauvée. » À l’instant sa perte de sang s’arrêta et elle ressentit en son corps qu’elle était guérie de son mal.
Aussitôt Jésus s’aperçut qu’une force était sortie de lui. Il se retourna au milieu de la foule et il dit : « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui disaient : « Tu vois la foule qui te presse et tu demandes : Qui m’a touché ? »
Mais il regarda autour de lui pour voir celle qui avait fait cela. Alors la femme, craintive et tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Mais il lui dit : « Ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal. »
Une voie de guérison
De nombreuses femmes souffrent depuis très longtemps de ne pas être écoutées, entendues et comprises dans leurs Églises et dans la société.
Que d’énergie dépensée en pure perte d’écriture, de paroles, de dénonciations, d’engagements et de créativité!
Malgré leurs compétences et leurs expériences, ces femmes ne reçoivent que broutilles.
Elles se retournent, ouvrent les yeux, regardent autour et voient d’autres femmes qui, comme elles, se sentent prisonnières des geôles du patriarcat.
Démunies, « dégoûtées » de leur situation, elles se solidarisent et créent divers réseautages.
Ensemble, elles se questionnent : « Mais qu’ont-ils fait de notre héritage évangélique ? Pourquoi n’est-il pas la substance de nos vies, de nos rassemblements, de nos communautés chrétiennes ? »
Elles inventent des chemins nouveaux pour elles, pour leurs sœurs et quelques-uns de leurs frères qui se sont laissés séduire.
Éveillés par leurs propos, leur détermination et leur persévérance, certains clercs sont touchés et s’interrogent : « Auraient-elles raison ces femmes de nous ramener à l’essentiel du message de Jésus ? »
Surmontant leurs appréhensions, fortes de leur conviction elles continuent de résister en toute liberté.
Puis, chacune dans le secret de son cœur entend :
« Va ma fille, ta foi et ton espérance sont porteuses de vie et de fécondité. »
L.
Maintenant que nous nous sommes ressourcées à la Parole, nous sommes invitées à nous ressourcer aux fruits de la terre. Pour ce moment de partage, nous avons choisi « les noix du randonneur » ainsi que l’eau, deux ingrédients que nous emportons presque toujours avec nous dans nos manifestations de solidarité et de résistance… Chacune est invitée à venir s’alimenter et s’abreuver à ces symboles de résistance.
Les noix sont déjà sur la table dans un grand bol ainsi que des petits contenants vides ; à l’aide de petites cuillères, chacune est invitée à remplir son contenant. L’eau est aussi dans un grand contenant entouré de petits verres ; deux gamelles sont disponibles pour que chacune remplisse son verre.
L.
Après nous être ressourcées, nous chantons le refrain suivant :
Ne laissons pas mourir la terre
Ne laissons pas mourir le feu
Tendons nos mains vers la lumière
Pour accueillir le don de Dieu (bis)
(Paroles : Michel Scouarnec
Musique : Jo Akepsimas)
C.
Je vous invite maintenant, dans un moment d’action de grâce, à nommer des faits, des lieux de résistances, des personnes qui nous inspirent et qui nous tiennent à cœur ou toutes autres réflexions qui en ce moment nous habitent…
On peut aussi compléter par la parole ce que nous avons exprimé sur les murales…
Temps de parole des femmes. L’animatrice reprend à la fin.
Pour terminer, chacune est invitée à passer à tour de rôle devant le lutrin où sont placés des foulards de la Marche mondiale des femmes 2015. Vous en prenez un et irez le déposer sur les épaules de votre voisine en lui disant : « Reçois ce foulard en signe de solidarité et que La Ruah (l’Esprit) t’accompagne sur ta route de résistance ».
Sur le foulard, on peut lire :
Marche mondiale des femmes 2015
Libérons nos corps, notre terre et nos territoires.
Appel à la RÉSISTANCE
Nous ne pouvons terminer cette célébration, sans chanter :
DU PAIN ET DES ROSES
(Paroles : Hélène Pedneault, Musique : Marie-Claire Séguin )
Du pain et des roses
Pour changer les choses
Du pain et des roses
Du pain et des roses
Pour qu’on se repose
Du pain et des roses
Il nous faut des roses
Un souffle une pause
Il nous faut du pain
Donnons-nous la main
Nous sommes plus grandes
Que ce qu’il vous semble
Nous voulons la paix
Pour ce monde qu’on a fait
Du pain et des roses
Pour changer les choses
Du pain et des roses
Trouvons des trouvailles
Pour que l’on travaille
Guettons les ghettos
Nous sommes égaux
Blanches, blondes et brunes
Nous voulons la lune
Rousses, grises et noires
Nous parlons d’espoir
Du pain et des roses
Pour changer les choses
Du pain et des roses
Ces enfants qu’on aime
Ne sont pas des graines
Qu’on sème à tout vent
Au hasard du temps
Brûlez d’amour fou
Portez-les en vous
Comme un cœur battant
Jamais assez grand
Du pain et des roses
Pour changer les choses
Du pain et des roses
Il nous faut des roses
Un souffle une pause
Il nous faut du pain
Donnons-nous la main
La terre est une femme
Entendez nos âmes
Ne soyez pas sourds
Nous parlons d’amour
Du pain et des roses
Pour changer les choses
Du pain et des roses
Du pain et des roses
Pour qu’on se repose
Du pain et des roses
1. NDLR – Yvette Laprise, une membre de la collective, nous a quittées en mai 2015. Au colloque du mois d’août 2015, son groupe d’appartenance était responsable de la célébration. Considérant que cette femme d’une grande sagesse a porté un engagement pour la justice tout au long de sa vie, considérant que résistance et solidarité étaient une manière de vivre pour elle, nous étions conviées à une célébration avec elle et en mémoire d’elle.