Toni Morrison –Pardonner et se pardonner
Monique Hamelin
Toni Morrison, la grande dame de la littérature américaine, la nobélisée de 1993, nous donne dans Home, son dixième roman, un concentré de la vie des Noirs dans les années 1950 aux États-Unis. En la lisant et en entendant les revendications portées par le mouvement Idle no More, je me demandais à quel moment nous aurons un équivalent sur la vie des Amérindiens et Amérindiennes.
Les deux protagonistes de Home, dont le titre est le même en anglais et en français, sont le frère et la sœur, deux Noirs, Frank et Cee. Lui rentre de la guerre de Corée; il va traverser une grande partie de l’Amérique pour répondre à un appel au secours envoyé de la part de sa sœur. Et nous suivrons les grandes et petites vexations et humiliations subies par les Noirs. Morrison n’appuie jamais, c’est dans le détail que l’on comprend qu’il y a les Blancs et les Noirs et que, même au Nord, tout n’est pas gagné pour eux.
Si j’ai aimé voir à l’œuvre la solidarité des hommes et des femmes afro-américaines, pour moi, l’une des grandes forces de ce livre, c’est de mettre en scène l’importance de pardonner et se pardonner pour continuer le défi de la vie. La mort, la brutalité, la misère humaine et la pauvreté sont le lot des Noirs de cette époque et cela, à partir de l’enfance. Les impacts sont immenses, mais pour vivre et pas seulement survivre, comme le rappelle Frank en pensant à sa sœur, il y a un chemin qu’on ne peut éviter: « Elle pouvait connaître la vérité, l’accepter et continuer à fabriquer sa courtepointe. » Elle a pardonné, lui aura à se pardonner. Ce roman rejoint d’une manière poignante les réflexions que nous avons eues au colloque de 2012 sur la question du pardon.
Home
Toni Morrison
Paris, Christian Bourgois, 2012, 153 p.