Tourisme religieux et culturel Guide des cimetières du Québec1
Monique Hamelin
Je ne sais si comme moi, au hasard des voyages ou randonnées, vous aimez vous promener dans les cimetières. La route y menant peut être panoramique, le portail simple ou élaboré, l’aménagement paysager permet souvent le recueillement, au soleil couchant les pierres tombales prennent des couleurs chaudes, en automne les feuilles crissent sous nos pas, le passé et le présent se rejoignent, des épitaphes nous racontent une histoire…
En fait, en y pensant, j’ai une vieille expérience des expéditions dans les lieux de sépulture. Enfant, en mai, nous partions en famille du nord de la ville de Montréal pour nous rendre au cimetière Notre-Dame-des-Neiges. De tramway en tramway, nous finissions par y arriver. Mon frère aîné est enterré là et chaque année, au temps de son anniversaire, nous allions nous recueillir sur sa tombe. Aujourd’hui, en allant chercher mon sirop d’érable à la ferme ancestrale, je passe au petit cimetière de Saint-Alban pour me recueillir sur la tombe de mes parents.
Donc, si comme moi, vous pratiquez ce type de visite, vous aurez plaisir à feuilleter, puis au fil de vos explorations à visiter l’un ou l’autre des plus significatifs des 1 800 cimetières recensés au Québec. Comme le rappelle la quatrième de couverture, « Plus de 400 d’entre eux sont illustrés et plus de 600 sont caractérisés selon la qualité du panorama, de l’environnement végétal, des composantes bâties, des éléments de dévotion et des monuments qu’ils renferment. »
Le classement est fait par région touristique, une courte introduction donne les éléments les plus caractéristiques de la région et par la suite, les lieux sont recensés par ordre alphabétique des municipalités. Mais outre le détail et la facture du guide, l’une des forces de cet outil réside dans les vingt notices rédigées par une équipe chevronnée de spécialistes québécois des cimetières et du patrimoine funéraire.
Les notices vont du témoignage émouvant sur le cimetière comme un pays familial, un lieu de tradition à un bref rappel de l’évolution des pratiques chez l’une ou l’autre des grandes religions. En Nouvelle-France, la disposition des corps n’était pas comme celles d’aujourd’hui. Il y a eu l’époque des cimetières ad sanctos, puis celle des cimetières paroissiaux et ruraux. Même dans la mort, notre dernier lieu de repos, le cimetière reproduit le modèle général de la société, il est « un microcosme de la société. » Est abordée la question des cimetières et de la guerre. J’ai découvert qu’il y a même un cimetière du Québec en France. Les matériaux de l’immortalité ont aussi évolué dans le temps tout comme celle du langage funéraire. Vous attardez-vous aux Madeleine, aux anges ou angelots, aux croix de bois ou de fer? Des éléments différencient les cimetières catholique, anglican, juif, ou de différentes dénominations protestantes. Et ce premier cimetière à Montréal où colons et Amérindiens sont inhumés, sauriez-vous le retrouver? C’est au Québec que vous pourrez visiter le plus grand lieu de sépulture du Canada, plus de 900 000 personnes y sont inhumées. Les œuvres d’art y sont nombreuses. Sur le mont Royal, outre ce grand cimetière, six des plus importantes communautés protestantes s’y implantent comme certaines congrégations juives. Les rituels funéraires amérindiens et juifs m’étaient inconnus. Une notice donne les grandes lignes des pratiques amérindiennes qui avaient cours et de celles qui subsistent avec l’influence du catholicisme. À noter que dans la région de Québec, une sépulture datant de 3000 ans a été retrouvée. Quant au rituel juif, tout diffère de ce que nous faisons. J’aime ce geste de laisser une petite pierre en signe de respect. Et ce Guide nous alerte à un pan de notre histoire plutôt occulté, la présence des protestants francophones et leurs difficultés à s’insérer dans le tissu serré des catholiques francophones. C’est également après 1763 que vous retrouverez les cimetières angloprotestants hors des grands centres. Le Saint-Laurent, le chemin qui marche, la première route pour l’exploration intérieure est aussi un lieu de repos pour bien des naufragés. Quelques grands événements sont rappelés à notre mémoire et l’esprit des lieux influence l’ornementation des monuments.
Il y a les lieux et il y a la représentation de ceux-ci, une notice présente donc quelques peintres et photographes qui ont pris le cimetière comme sujet pour leurs œuvres. Enfin, en guise de conclusion, on rappelle que les gouvernements ont protégé plusieurs de ces lieux de mémoire tout comme les cimetières des communautés fondatrices du Québec telles les Augustines, les Ursulines…
C’est un Guide novateur par son sujet et qui nous présente succinctement des éléments clés pour comprendre notre histoire, notre patrimoine.
[1] BRODEUR, Mario, direction. Guide des cimetières du Québec. Montréal, Éditions La Fabrique de la Paroisse Notre-Dame de Montréal, 2012, 338 pages. (Malheureusement, cette publication n’est pas disponible en librairie. Pour commander par téléphone, c’est le 514.735.1361 ou en vous adressantau pavillon administratif du Cimetière Notre-Dame-des-Neiges et à la boutique de la Basilique Notre-Dame de Montréal. Pour toutes autres informations : courriel : à l’attention de Dominique Tremblay / dtremblay@cimetierenddn.org)