UNE PRÉSENTATION DE L’AUTRE PAROLE DANS LES CARNETS BIBLIQUES
Note de la rédaction:
SOCABI (Société catholique de la bible) lance cet automne la 2e série des carnets bibliques. Dans le carnet ayant pour thème « Bible et engageront social », Kate Bulman présente L’Autre Parole comme un des mouvements qui essaie de répondre aux cris d’injustice que lance aujourd’hui des femmes à leur Dieu. Voici donc ce texte de Kate Bulman membre d’un des groupes de réflexion de L’Autre Parole à Montréal.
Dans les coeurs des femmes isolées retentit ce cri … « Non! Ce n’est pas ma nature de femme qui me rend inférieure » et la voix commune des féministes se lève un peu partout dans le monde pour dénoncer les injustices commises envers les femmes. Plusieurs chrétiennes trouvent un écho de la parole féministe dans leur propre expérience de femme. Mais elles sont tiraillées devant la vision largement répandue dans les milieux féministes de 1 ‘Eglise-machine-de-l’idéologie-patriarcale. Même si elles partagent un peu ce point de vue, 1’Eglise est aussi, pour elles, porteuse de la Bonne Nouvelle. Cependant elles ne se sentent pas encore capables de dire que l’Eglise est déjà un juste témoin de la véritable place de la femme dans le royaume de Dieu. Quelques québécoises, prises entre les féministes anti-chrétiennes et les chrétiennes et les chrétiens anti-féministes, se sont donnés un collectif « L’autre Parole », formé de femmes chrétiennes et féministes.
Les membres de « L’autre Parole » se retrouvent dans de petits groupes de réflexion où elles peuvent verbaliser les cris de leurs coeurs, étant assurées d’y trouver des oreilles attentives. Mais, cela ne s’arrête pas la. Ces groupes sont aussi des lieux de recherche-action, préoccupés par la clameur collective. Là, des femmes cherchent ensemble à reprendre le discours théologique chrétien en tenant compte de la femme. (la théologie est un discours sur Dieu auquel tout-e croyant-e peut participer, la tâche des théologiennes et des théologiens est de reprendre ce discours de la base).
Elles y entreprennent aussi des démarches pour une participation à part entière de la femme dans 1’Eglise. La confrontation entre 1es membres du groupe 1es fait avancer, la solidarité leur donne la force de tenir, et les gestes posés en commun ont une valeur et une force qu’ils n’auraient pas s’ils étaient le travail d’une seule femme.
Quel lien font-elles entre leur foi et la mise sur pied de ces groupes de réflexion? Elles voient dans ces groupes la continuité de l’histoire du salut. Dieu a entendu la clameur des Hébreux et a envoyé Moïse les conscientiser pour pouvoir les libérer du joug des Egyptiens et les amener vers la Terre promise. Les membres de « L’autre Parole » croient dans ce Dieu qui entend, qui perçoit les misères des femmes et veut leur libération. Dans leur travail de conscientisation, elles suivent les pas de Moïse. Puisque « Dieu créa l’homme a son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » (Gn 1, 27), le discours chrétien qui ne tient pas suffisamment compte des femmes doit être repris par ces dernières et à partir de leurs propres réalités (il a souvent fallu faire un travail de relecture de l’histoire du salut pour pouvoir rejoindre les personnes d’une époque donnée). La révélation du Dieu des pauvres, Sauveur dans l’histoire passe a travers les expériences de femmes comme elle a passé à travers les expériences d’Israël.
Jésus avait une pratique libératrice et même s’il était un homme de son temps, il semble avoir une attitude plus ouverte envers les femmes que d’autres hommes de son temps (Cf. les récits: de la samaritaine, de la femme adultère, des femmes qui étaient disciples}. Malheureusement, on ne peut pas dire que 1’Eglise a repris cette attitude; il faut donc être un vis-à-vis critique pour qu’un jour on reconnaisse le Royaume de Dieu (où on honore Dieu et où tous les humains sont respecté-es) dans 1’Eglise de Jésus-Christ.
Pour « L’autre Parole » les liens entre la foi et l’engagement féministe deviennent de plus en plus explicites avec les années. Au point de départ, le féminisme et le christianisme étaient présents et indissociables (puisque le Christ rejoint une chrétienne dans son être de femme). Mais c’est surtout au fil de 1’action que les liens se sont clarifiés. C’est l’expérience des femmes, souvent éclairée par le discours féministe qui a permis de recevoir et de commencer à reformuler la Parole d’une autre façon.
Les membres de « L•autre Parole » . ont un parti pris pour les femmes et un parti pris pour Dieu. Elles ont été émues par la souffrance des femmes isolées et dans la misère, parfois même parce qu’elles sont chrétiennes. Elles sont » tannées » de voir le Dieu des pauvres bafoué par les discours qui justifient 1’oppression des femmes. En effet, elles ne peuvent pas croire en un Dieu qui exploite et qui accepte qu’on exploite (c’est anti-Yahviste et anti-chrétien}: si Il était effectivement le véritable Dieu ..• elles seraient athées.
« L •autre Paro1e » se veut un instrument de 1ibération des femmes dans la société et dans 1’Eglise et par le fait même veut dénoncer les faux visages que les oppresseurs donnent à Dieu.
Kate Bulman