Vers de nouvelles perspectives d’avenir
Hélène Chénier
Mes amies,
Votre collectif compte parmi les pionniers dans l’engagement pour la promotion du rôle et de la place des femmes dans nos sociétés civiles mais aussi et surtout religieuses, là où peu de gens osent s’aventurer, là où les mythes sont puissants, là où les résistances sont à la mesure de la peur de dures sanctions et où les traditions sont trop souvent considérées comme une règle qui impose l’immobilisme. Pour votre audace et votre initiative, soyez félicitées et pour votre ténacité de 25 ans, soyez reconnues et remerciées.
L’une des contributions les plus remarquables de votre collectif, aux yeux de quelqu’une qui, comme moi, vous regarde de l’extérieur, demeure la qualité et la créativité de vos célébrations. Vous savez prier la vie, rendre grâces, implorer, lire et écouter la Parole dite dans les événements aussi bien que dans les textes sacrés, reconnaître l’Esprit présent, rassembler une communauté de traditions et de confessions diverses, avec ses liens, ses ressemblances et ses disparités. L’inédit ne vous rebute pas ni ne vous arrête. Vous savez choisir les signes, les rendre éloquents, les offrir à l’Esprit pour qu’il opère à sa façon les transformations souhaitées dans les cœurs disponibles.
Si vos liturgies sont des cadeaux, votre réflexion, votre discours et votre militance féministes sont non moins mémorables. Qu’il suffise de souligner vos prises de position sur des thèmes comme : le corps de la femme, les ministères ordonnés, le patriarcat de nos sociétés, l’écologie et les femmes, la pauvreté et l’exclusion des femmes et combien d’autres. Vous empruntez souvent le chemin de la rigueur et même de la radicalité. Ce dernier trait, ai-je compris, vous distingue d’autres regroupements qui, malgré leur impatience, acceptent un rythme plus lent, ainsi que des étapes dans le cheminement des institutions.
Peut-être vous ai-je incorrectement perçues, mais vous ne m’apparaissez pas comme le collectif des petits pas, ni des saluons le progrès, ni du lent travail à l’intérieur des institutions pour un avancement dans la bonne direction. Vous préférez devancer
l’institution dans les faits, même au risque de vous « braquer » et vous laissez à d’autres le long travail de convaincre, d’user de précédents et de collaboration pour arriver à poser des pierres d’attente. C’est votre voie. Vous servez la cause avec un charisme particulier. D’autres poursuivent différemment et –permettez-moi une confidence- parfois douloureusement, une cause identique. Les itinéraires nous sont souvent tracés par nos histoires personnelles et toutes commandent le respect. Au-delà de la diversité des approches, existent et la solidarité pour la cause et la connivence des femmes entre elles. Quand on sait se reconnaître dans ses différences et la richesse de ses dons, les barrières tombent. J’ai pu le reconnaître à maintes reprises, ces dernières années.
Pourrions-nous accentuer nos collaborations ? Il semble que nous le devrions. Qu’en pensez-vous ?
À l’heure de la communication, de la complexité des problèmes, de la concentration des ressources, de l’union des solidarités pour les pressions politiques, comment ne pas songer à consolider le rassemblement des forces pour promouvoir la condition des femmes ? Je songe, à titre d’exemple, au discours moral à développer en regard des nouveaux défis que pose la science moderne. Ne conviendrait-il pas que les femmes analysent elles-mêmes les situations, distinguent les divers aspects des problématiques, énoncent leurs valeurs, les principes qu’elles prônent, fassent elles-mêmes les nuances et les choix qui s’imposent plutôt que de se contenter de dire que c’est insatisfaisant, incomplet, sans nuance, sans vision, trop théorique, etc. Pour réussir un tel travail, la concertation des compétences et le partage des sous est impérative. La dispersion coûte un prix fabuleux en inefficacité, en déception et en perpétuelle sujétion.
D’autres thèmes y gagneraient à voir élargir ou actualiser leur étude et leur débat. J’en propose à titre illustratif :
– Les femmes ont-elles à gagner à postuler le sacerdoce ? Serviront-elles mieux l’humanité avec ce pouvoir et le ministère tel qu’il se pratique ?
– Y a-t-il une façon féminine d’exercer le pouvoir, qu’il soit civil ou religieux ? Qu’en disent celles qui l’ont exercé ou l’exercent et dans l’Église et dans la société civile ?
– Où se situent les défis des jeunes femmes qui ne voient ni ne sentent la problématique féministe ? Le problème est-il vraiment dépassé, donc irréel pour la jeune génération ?
– Les institutions comme la famille, l’Église sont en crise perpétuelle et pourtant les femmes les soutiennent, ont-elles un avenir ? Les femmes sont-elles naïves ou visionnaires ?
– Comment guérir notre monde du patriarcat puisque c’est la cause première des injustices faites aux femmes, injustices qui s’apparentent à la violence en certains cas ? Les femmes se mobiliseront-elles en nombre pour une cause perdue à l’avance ? Poser un diagnostic aussi global est-ce une bonne façon de débuter une thérapie ? Certaines en doutent.
J’arrête ici l’énumération. Les sujets de clarification que des collectivités demeurent mieux capables d’assumer ne manquent pas. Tous profiteraient de larges discussions, d’approfondissement de la réflexion, de réponses davantage songées, de confrontations d’opinions.
Pourriez-vous être partie prenante de ce que je crois être une voie d’avenir pour l’approfondissement de la pensée féministe chez nous ?
La qualité de vos membres et votre audience auprès de la jeune génération –vous recrutez des jeunes- me laissent croire à l’avenir avec vous. Si je lis bien les signes des temps, vous pouvez vous permettre de songer à demain.
Avec vous je rends grâces pour vos 25 années de combat, votre solidité présente et votre avenir prometteur avec des alliées d’orientation complémentaire dans notre monde des alliances.
Vos meilleures amies attendent beaucoup de votre expertise, de votre dynamisme, de votre rigueur et de votre foi dans les femmes de différents horizons.