Women Eucharist1 Religion/Women’s Studies
Boulder, Colorado 1997, 317 pages.
Sheila Durkin Dierks
Ce livre, une incursion dans les coeurs et les consciences des femmes, rassemble une collection unique d’entrevues avec des femmes catholiques qui se réunissent dans leurs maisons pour partager l’Eucharistie sans la présence d’un prêtre. L’auteure, Sheila Durkin Dierks, est une catholique militante. Mariée depuis une trentaine d’années, elle est mère de quatre enfants. Elle a fondé elle-même deux groupes Women Eucharist et a contribué à mettre en liens des regroupements similaires dispersés à travers les États-Unis.
Ce livre a commencé, il y a environ une décade, autour d’une table dans un restaurant. L’auteure y avait invité une demi-douzaine de femmes intéressées à se rencontrer, une fois par mois, pour s’interroger sur la présence de Dieu dans leur vie. Au début, on ne connaissait pas, dans l’entourage immédiat, d’autres regroupements semblables. Progressivement, on découvre qu’on n’est pas l’unique groupe à partager l’Eucharistie. Petit à petit la communication s’établit entre ces groupes qui consentent a répondre au questionnaire qui leur est proposé par le premier groupe. Les questions couvraient deux champs principaux. L’un visait le fonctionnement des groupes ainsi que le genre de célébrations adopté, l’autre portait sur la composition des groupes. Cette démarche a permis de repérer l’existence d’une centaine de rassemblements s’échelonnant de Seattle à Miami et du sud de la Californie au Vermont. Les réponses au questionnaire, une fois compilées, ont servi de base à l’élaboration du plan de ce volume. Chaque chapitre correspond à une question suivie de réponses de répondantes auxquelles l’auteure ajoute une brève synthèse personnelle.
Women Eucharist témoigne ainsi de l’éveil de mémoires alternatives : mémoires d’être soi-même en tant que femmes pleinement égales, pleinement capables, pleinement invitées à la Table sacrée. Mémoires d’abord hésitantes puis se transformant en mémoires prophétiques qui, à travers la souffrance, rendent possible une incarnation nouvelle de la foi dans notre temps et notre culture. Les femmes de
ces groupes sont les artisanes d’un changement au long cours. Les objectifs qu’elles visent sont lointains mais toutefois possibles à atteindre. Elles portent l’espoir que l’institution peut changer et elles veulent faire en sorte que cela se produise. Ces groupes se savent aussi hétéroclites que la foule bigarrée de Myriam et Moïse sur la route de l’exil, se reconnaissant dans leurs ancêtres et aspirant comme elles et eux à la Terre Promise. L’image du cercle, adoptée par les groupes reflète bien l’esprit de Women Eucharisî. Dans ces cercles, il n’existe ni premier ni dernier. Chaque place est interchangeable. N’importe qui peut s’y déplacer pour donner la main à d’autres.
Ce livre n’est ni une étude sociologique ni une compilation de statistiques. C’est une oeuvre profondément féministe et spirituelle. Son but : faire entendre la voix des femmes et créer l’espace qui permet de le faire.
Ce livre est une révolution dans le sens d’un mouvement exprimant une vigoureuse dissidence de l’idée que c’est seulement à travers la mâlitude que peut s’opérer l’acte unificateur de l’Église sacrement.
Women Eucharist ouvre des pistes pour le présent et le futur mais ne prétend pas offrir toutes les pistes possibles pour toutes les catégories de personnes. Women Eucharist ne fournit pas non plus toutes les réponses. S’attendre à cela serait chercher en dehors de soi des réponses qui se trouvent en soi. La lecture de Women Eucharist a été pour moi un moment de réjouissance à la pensée que les groupes de croyants et de croyantes qui aspirent à une Église autre se multiplient.
Faire Église dans un salon ou autour d’une table de cuisine, rien de plus simple pour déclencher la confiance en soi, créer des liens, découvrir des charismes individuels, identifier des besoins et vivre le partage. À travers la praxis des groupes Women Eucharist, nous sommes conduites à des prises de conscience nouvelles, à de nouvelles compréhensions de ce qu’est une personne croyante à la fin du second millénaire. Que nous soyons du Premier, du Deuxième ou du Troisième Monde, nous avons besoin d’un lieu pour prier librement et sans peur; d’un lieu pour nous entendre dans nos propres discours, nous découvrir en croissance constante dans l’Esprit. Nous avons besoin d’un lieu pour user librement de notre imagination prophétique sans craindre d’être condamnées.
En déchiffrant le texte de Women Eucharist, j’ai eu tout le loisir de me conforter dans mon option pour la Collective L’autre Parole dont l’esprit et la vie s’apparentent bien à ceux de nos voisines du sud. Puissent nos soeurs américaines continuer leur marche en avant et entraîner dans leur sillage les nombreux croyants et croyantes qui éprouvent des malaises et des frustrations dans une Église statique et désincarnée.
YVETTE LAPRISE, PHOEBÉ
1 Women Eucharist est édité en anglais. C’est l’occasion de parfaire la connaissance de cette langue.