No. 8 – DES FÉ(ES)-MINISTRE CHRÉTIENNES?…

La Revue des femmes chrétiennes et féministes

Est-il possible d’être féministe et croyante en même temps? Peut-on être autrement que vierge ou mère pour se conformer à l’Evangile? Ces questions sont loin d’être impertinentes quand on pense à ce que j’appelle l’événement des-« Fées ont soif ». Aussi, ce phénomène interpelle le collectif l’Autre Parole comme toutes les femmes qui se considèrent à la fois croyantes et féministes.

Je ne veux pas ici faire une critique du livre ou de la pièce elle-même, ni réagir aux nombreux commentaires auxquels cet événement a donné lieu, ni porter un jugement sur les divers types d’action ou d’intervention auxquels nous avons assité à cette occasion. Je veux, tout simplement, relever des éléments de réflexion qui me sont venus et que je veux partager avec d’autres. Je tiens aussi à préciser que ce ne sont pas des questions neuves pour ceux et celles qui s’intéressent aux phénomènes socio-religieux. Mais en tant que l’événement-des-« Fées ont soif » a révélé au grand jour des traits culturels ou des forces à l’oeuvre dans notre société québécoise, je pense que ces questions prennent un caractère de première importance pour des femmes qui cherchent à vivre leur foi dans la lucidité et la dignité.

Il s’agit, en somme, du problème de la justification religieuse de la situation oppressive des femmes, et particulièrement ce problème appliqué à la mariologie. Que l’Église comme institution humaine participe de la culture mâle patriarcale et donc de ses injustices à l’égard des femmes, il n’y a rien là qui doive nous étonner. Mais que l’Église prenne Dieu à témoin de cette situation en parlant de volonté de Dieu, de plan de Dieu, de vocation féminine, et donc justifie la plus radicale des oppressions, voilà une contradiction pour le moins scandaleuse.

L’exemple de la théologie mariale est très parlant: la Vierge-Marie a été présentée aux femmes comme le grand modèle (et pour les hommes, l’image idéale de la femme). Il ne s’agit pas, ici, de remettre en question le fait que Marie, comme mère de Jésus, ait été vierge et mère. Mais de la proposer en modèle, à ce titre-là, voilà qui pose problème. De cette façon, le symbolisme marial enferme les femmes (aussi bien les hommes) dans un monde schizophrène. Dans la réalité, en effet, les femmes ne peuvent être les deux à la fois. Les femmes réelles sont donc condamnées à être ou vierges, ou « putains », à moins qu’elles paient en devenant mères dans la famille patriarcale. De toute façon, elles ne peuvent être elles-mêmes comme personnes libres autonomes. Elles sont aliénées en étant « statufiées ».

A l’intérieur de ce symbolisme de la vierge-mère, la virginité a reçu de tels privilèges qu’elle a été considérée comme l’étalon ou la mesure de toute chose. Non pas que l’état de virginité offert aux femmes n’ait pu leur apporter des chances d’autonomie. Mais l’événement -des-« Fées ont soif » montre aussi que le symbolisme marial (marqué d’ailleurs par la culture gnostique dans laquelle il s’est développé) a eu d’autres effets, beaucoup moins positifs, pour ne pas dire désastreux, dans notre société québécoise.

Et pourtant, est-ce bien là le message évangélique concernant Marie de Nazareth, concernant les femmes, concernant l’humanité?

La réflexion théologique doit être poussée, mais surtout les mentalités doivent être transformées. Car les recherches bibliques et théologiques renouvelant la mariologie ne semblent pas avoir atteint l’ensemble des chrétiens et chrétiennes (même pas l’ensemble de l’Église officielle). Une tâche considérable attend l’Autre Parole.

J’espère, pour ma part, que l’événement-des « Fées ont soif » saura stimuler la réflexion et l’action de celles qui se disent à la fois croyantes et féministes.

Louise Melançon Sherbrooke